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Voici un petit article pour explorer les biais cognitifs et les différents obstacles sur notre route vers une véritable définition de l’intérêt général.

 

1/ S’avouer qu’on ne sait pas.

 

En écrivant ce texte, me revient en mémoire le discours de Jacques Chirac en 2004, qui affirmait « avoir compris notre message ».

Il affirmait donc avoir compris le message que quelques millions d’électeurs lui faisait passer. Sans leur parler. Par le biais d’un bulletin de vote, décision prise sur un choix binaire.

Le premier écueil est, pour moi, le fait de croire que l’on a une vision claire et précise des besoins d’une population sur un territoire.

On peut penser que, parce que l’on est élu, on a su par notre message, notre discours, transcrire fidèlement les besoins des gens qui ont voté pour nous et que c’est pour cette raison qu’ils nous ont élu. Parce qu’on saura prendre les bonnes décisions pour représenter leur intérêt.

Peut-être que la personne élue pratique son territoire depuis plusieurs années et a pu discuter longuement avec ses concitoyens de leurs besoins et leurs préoccupations, développant ainsi une vision plus précise qu’un élu uniquement en contact avec son groupe social, qui connaitra les intérêts de ce groupe.

Les élu(e)s portent un programme, donc des réponses aux besoins qu’ils ont identifiés. Si la vision de ces besoins est inexacte, non basée sur la réalité, le programme, malgré toutes les bonnes intentions qu’on pourra y mettre, ne pourra avoir qu’un impact limité.

Pire, il est possible de confondre les besoins communs avec la situation économique, globale ou les directives d’institutions déconnectées du territoire, portant non plus la volonté du peuple, mais la volonté d’acteurs économiques, ce qui pourrait amener à guider la collectivité en partant de notre propre définition de l’intérêt général.

Je crois fermement que la seule manière de connaître les besoins des autres est de leur demander, sans quoi nous nous retrouverons à reproduire éternellement la situation de parents désemparés devant leur enfant qui pleure, sans savoir s’ils doivent le nourrir, le soigner ou changer sa couche.

Et le besoin commun n'est pas uniquement le besoin de l'entité "collectivité", il est également en partie la somme des besoins personnels.

 

2/ Ne pas lésiner sur les moyens

 

A chaque déploiement d’un nouveau projet Solucracy, invariablement, quelqu’un va poser ces questions :

« Mais ça va prendre beaucoup de temps de passer chez chaque personne, non ? Et il va falloir tout trier ? On ne peut pas prendre un échantillon représentatif plutôt ? Ou précatégoriser les questions ? »

Chaque être humain est différent. Une personne âgée qui habite dans un quartier défavorisé n’aura pas les mêmes besoins qu’une personne âgée dans un quartier bourgeois.

Il est impossible de choisir un échantillon de population dont les réponses représenteront exactement les besoins communs.

Si nous voulons une véritable cartographie des besoins de la population, chaque personne doit avoir la possibilité de s’exprimer, ne serait-ce que pour dire qu’ils n’ont besoin de rien.

Et pour ça, il n’y a pas de secret, il faut prendre le temps de les écouter. Créer cet espace pour qu’ils puissent s’exprimer.

Jusqu’à maintenant, de manière mécanique, pour se faciliter la tâche, nous avons tenté d’orienter les questions dans les sondages, de les fermer un peu, parce que c’est plus simple pour les catégoriser. Nous avons privilégié certains canaux comme des applications webs ou une réunion publique, pour économiser du temps, de l’argent.

Mais en faisant ça, des avis, des informations, des gens ont été exclus du processus.

Les mécanismes mis en place pour économiser des ressources vont finir par nous coûter beaucoup plus cher, nous forçant à prendre des décisions sur des informations incomplètes, sans compter que les citoyens non interrogés vont se sentir lésés et plutôt que contributeurs, vont se transformer en détracteurs.

C’est donc pourquoi ce point est extrêmement important pour Solucracy : Les questions doivent être ouvertes et tous les citoyens doivent avoir l’opportunité d’y répondre.

Si une étape de la méthodologie nécessite un effort particulier, c’est celle de la collecte des besoins.

 

3/ Donner toutes les chances de participer

 

Prenons comme exemple la réunion publique.

Je n’attaquerais pas ici le déroulement, car c’est possible de faire participer le public dans ce type d’événement mais plutôt la forme de l’outil.

Pour moi, organiser une réunion publique pour faire participer les citoyens s’apparente à faire de l’autostop au bord de l’autoroute.

Dans une économie en crise, les habitants de votre territoire jonglent au quotidien entre leur emploi, leurs enfants et leurs préoccupations personnelles.

Nous allons donc organiser une réunion publique un mercredi soir de 18h à 20h, en espérant qu’ils fassent une pause dans leur frénésie quotidienne, ralentissent, trouvent une nourrice, et viennent pendant 2 heures assister à un événement qui ne sera peut-être même pas relié à leurs préoccupations.

Les quelques fois où il m’est arrivé de faire du stop, j’ai choisi un endroit où les automobilistes pouvaient s’arrêter, avec de préférence une trajectoire non ambiguë type sortie de rond point, où ils n’avaient pas encore pu atteindre leur vitesse maximum.

Pour recueillir les besoins, l’étape la plus importante, qui va définir votre programme, qui va permettre à chaque citoyen de se situer par rapport aux besoins communs, qui va permettre d’attirer les acteurs économiques capables de répondre aux problématiques de votre territoire et faire monter tout la population en compétence sur la manière dont ils peuvent être utiles à la collectivité, il est important de mettre toutes les chances de votre côté.

Et pour ça, le dernier obstacle possible au citoyen pour qu’il puisse exprimer ses besoins, doit être le citoyen lui-même. S’il décide de ne pas partager ses besoins avec vous, c’est sa propre responsabilité, son choix mais toutes les portes ont été ouvertes.

Les seules techniques identifiées qui vont directement au contact des citoyens pour l’instant sont le porte à porte et le micro trottoir. Il n’existe alors plus d’excuse pour ne pas participer. 4 questions en 5 minutes. L’investissement de leur part est minime.

Il ne suffit pas d’ouvrir la porte de la mairie et d’attendre que les citoyens se ruent pour nous donner leur avis malheureusement, sans compter que ceux qui vont le faire sont généralement mûs par une frustration extrême et émotionnellement peu disponibles pour une véritable discussion.

Nous avons appris la même leçon à nos dépens en mettant le site Solucracy en ligne : Il ne suffit pas de créer un site web pour que tout le monde y enregistre ses besoins comme par magie.

 

Conclusion

 

La valeur d’une collecte exhaustive des besoins est inestimable si ces besoins sont ensuite partagés avec tous.

Tous les acteurs de votre territoire pourront se les approprier, y réfléchir, se situer et se coordonner pour y répondre.

Mettre à jour régulièrement la vision des besoins communs, savoir ce qui est important pour la population permet d’en déduire l’intérêt général.

D’une certaine manière, ces enquêtes sont déjà faites sur les territoires pour diverses raisons à des niveaux plus restreints : Enquêtes pour les projets d’urbanisme, Etudes de marché, etc.…

C’est une étude de marché à 360 degrés qui permet d’obtenir une vision complète des ressources locales et des besoins de la population, sans a-priori, pour vous accompagner dans votre prise de décision, que vous soyez élu, à la tête d’une entreprise, ou simple citoyen qui souhaite s’investir dans la vie locale.

 

Yannick Laignel