Pourquoi nous souhaitons accompagner les communes rurales ? Parce que nous sommes intimement convaincus que ce sont celles qui en ont le plus besoin.
Poser le cadre pour ne pas faire de généralisation : non toutes les campagnes ne se sentent pas abandonnées, non tout le monde ne se sent pas délaissé
On entend souvent parler des campagnes abandonnées, de la baisse de moyens dédiés aux communes par l’Etat, des habitants qui se sentent délaissés. Ce sont les élus locaux, les gilets jaunes et des millions de personnes qui ne parlent pas.
Mais ce sentiment général est assez réducteur. Toutes les campagnes ne se sentent pas abandonnées. Si on se penche sur le sujet, on se rend compte que ce n’est pas le cas de toutes les campagnes.
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Il s’agit des campagnes rurales, agricoles et industrielles et des campagnes “vieillies”, les hyper rurales. Elles représentent 17,5% de la population française : 11,7 millions de français souffrant de la délocalisation et des pertes d’emploi, d’une attractivité résidentielle moindre, excentrée des pôles d’emploi urbains, d’une offre de service moins adaptée, et de revenus plus faibles.
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Les campagnes des villes, du littoral et des vallées urbanisées, qui représentent 16% de la population, s’en sortent finalement pas mal, portées par un dynamisme local tiré de leur localisation adaptée (la mer…. et les métropoles).
Mais il s’agit bien d’une réalité.
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Les campagnes agricoles et industrielles du nord, est et centre ont été fragilisées davantage par les effets cumulatifs du déclin : baisse de la population et des emplois, vacance des logements, fermeture des services et commerces.
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Ce déclin combiné à une culture de l’individu exacerbée, des corps intermédiaires effacés et des échanges digitaux qui attisent l’intolérance aux opinions différentes ont amplifié ce sentiment global de repli sur soi des citoyens.
J’aimerais vous partager mon expérience et vous parler de ma ville de naissance : Bar-le-Duc. C’est une commune de 15 000 habitants dans la Meuse, qui fait partie de ces campagnes agricoles et industrielles.
Bar-le-Duc, un exemple de commune rurale fragile
Bar-le-Duc, surnommée “la Belle Endormie”, présente beaucoup d’atouts. Elle est classée “Ville d’Art et d’histoire”, est à 1h50 de Paris, est à flanc de forêts et bénéficie d’un engagement politique et associatif de ses habitants.
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Les maires et les conseillers municipaux ou des militants politiques s’engagent dans le cadre de leur mandat à faire fonctionner et dynamiser la commune. Une nouvelle salle de concert flambant neuve vient de voir le jour.
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Beaucoup d’associations animent la ville et agissent pour des causes qui leur tiennent à cœur : solidarité, culture, jeunesse, sport, environnement…
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Quelques citoyens participent à la vie de la commune, en soutien des élus, au travers de dispositif de démocratie participative : conseils citoyens ou budget participatif…
Pourtant, chaque année, elle perd presque 1000 habitants, les boutiques se ferment, une à une. Il n’existe plus qu’un bar, l’ambiance générale est triste, les rues sont vides un samedi soir et les gens se plaignent de ne pas avoir assez d’activités ou de liens entre habitants. Elle est d’ailleurs non loin de la ville de Commercy, vivier des gilets jaunes engagés.
Je me suis alors interrogée : pourquoi malgré l’engagement de certains, la ville ne bouge-t-elle pas ? Une de mes conclusions était que les cadres dans lesquels les habitants pouvaient s’investir ne permettaient pas l’engagement du plus grand nombre.
De mon expérience, nous avons aujourd’hui à notre disposition plusieurs moyens de contribuer au dynamisme de la ville :
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les conseils citoyens souvent grisonnants, avec toujours les mêmes personnes et où les échanges avec les élus sont souvent tendus et où les idées ne prennent pas vie
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le budget participatif où nous pouvons proposer nos idées, mais sans savoir si elles sont vraiment utiles pour les habitants
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les associations dans lesquelles nous sommes investis, mais dans un cadre limité à leur activité ou leur problématique
Et c’est un vrai problème plus global : les cadres qui facilitent l’engagement des citoyens ne sont plus adaptés à notre société
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Un maire sur deux en 2020* ne veut plus se représenter aux prochaines élections municipales pour plusieurs raisons : investissement en temps trop important, exigence des citoyens, manque de moyens financiers…
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Les partis politiques et les syndicats ont du mal à mobiliser et n’inspirent plus (ils font partie des 4 acteurs dans lesquels les français ont le moins confiance avec les banques et les médias**)
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Les adhésions aux associations sont constantes depuis plus de 30 ans*** mais elles sont ralenties par différents freins : compliqué d’insérer un groupe formé depuis des années, représentation grisonnante avec toujours les mêmes personnes, posture des membres peu accessible…
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Les dispositifs de démocratie participative sont inégaux d’un territoire à l’autre et ne produisent pas les résultats escomptés en raison de plusieurs facteurs : manque de portage politique, des rôles pas assez clairs, des règles administratives trop rigides, dispositif peu représentatif, langage trop technique…****
Partant de mon expérience et de recherches plus approfondies, l’idée m’est venue : comment pourrait-on dynamiser une ville comme Bar-le-Duc, mais aussi toutes les communes rurales qui souffrent des mêmes maux ? Et comment le faire dans le « bon » sens ?
J’ai trouvé une partie de ma réponse dans l’engagement citoyen
Et je me suis beaucoup interrogée : comment redonner un nouveau souffle dans ces communes ? lancer une nouvelle dynamique qui soigne ces territoires ? Une qui prendrait soin des gens et qui aurait du sens pour les habitants ?
C’est comme ça que j’ai imaginé Solucracy, avec Yannick, en lui donnant 2 missions :
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La première et c’est le point central de notre méthode, c’est de prendre soin des gens : c’est aller les écouter, de prendre le temps avec tous les habitants, pour leur donner à tous l’opportunité de s’exprimer et dire ce dont ils ont besoin et envie pour être mieux dans leur commune. C’est aussi, les aider à trouver des solutions eux-mêmes à leurs propres besoins.
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La deuxième est de dynamiser le territoire, puisqu’on agit dans des communes qui ont besoin d’un regain d’énergie. Là on cherche à amplifier les collaborations entre les acteurs de la commune et on accompagne des projets valorisants pour la commune.
Si vous connaissez des communes qui ont besoin d’être écoutées, faites passer le message. On aimerait bien les aider à trouver des solutions à leurs besoins !
*AMF-CEVIPOF/SciencesPo, 2018
**Baromètre de la confiance politique, CEVIPOF, 2019
***Trente ans de vie associative - Une participation stable mais davantage féminine, Insee, 2016
****Bilan des conseils citoyens - Commission nationale du débat public, 2018