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Claude de Soubeyrand
Directeur général des services de la Ville de Lyon de 2016 à 2021, directeur général des services du Département de Saône-et-Loire de 2012 à 2015, Claude nous accompagne avec l'association Kunact et a bien voulu participer à un entretien appréciatif !

 

Décrivez un moment d’interaction avec un.e administré.e au cours duquel vous vous êtes senti enthousiaste, en gratitude, où vous avez eu le sentiment de toucher du doigt ce qui fait la valeur et le sens de votre métier. C’était quand, où, avec qui, à propos de quoi ?
Qu'est-ce qui a été possible grâce à vous ? Quelles ont été les conséquences pour vous, autour de vous ? Quelles ont été les conséquences pour votre interlocuteur ?

C’est le souvenir d’un projet fort qui a eu lieu au cours de la première partie de ma carrière, en 1988. J’étais alors responsable de la communication de la ville de Saint Fons. Cette année-là, la commune fêtait le centenaire de sa naissance. En lien avec une élue et le maire, j’étais dédié à l’organisation des festivités de ce centenaire.


L’intention était de faire de cet événement un temps très fort, un temps de fédération des forces vives de la ville, en lien avec son histoire (passé industriel).
Pour préparer cet événement, l’idée était de partir des racines de la commune, de ce qui avait structuré le territoire, les relations, la culture de la commune.
La ville a une histoire industrielle ayant accueilli plusieurs sites dédiés à la chimie (aspirine). Organisations syndicales, sociétés mutualistes, dirigeants d’entreprises, associations d’ouvriers...
La préparation a duré 1 an. Il y a eu énormément de réunions et de mises en relation. Il était fondamental que les idées et les propositions émanent des Saint-Foniards.
Le centenaire s’est traduit par deux grandes semaines d’événements : plusieurs expositions (site industriel, grève d’ouvriers en 1936), la reconstitution d’une classe de l’époque, la création d’une opérette “Naissance de la commune de Saint Fons” écrite par les professeurs de l’école de musique, des animations musicales par l’harmonie industrielle, des animations de théâtre de rue.

On a invité une chanteuse, Catherine Ribeiro, chanteuse engagée née à Saint-Fons. On a organisé un concours d’artistes internationaux et celui-ci a donné la pyramide du centenaire, réalisé par Kate Blacker, que l’on peut voir le long de l’autoroute A7. Le grand événement, le plus marquant, fut celui de transformer la ville telle qu’elle l’était au XIXè siècle. Ca s’est traduit par 10 000 habitants qui sortent dans la rue le jour J habillés comme au
XIXè siècle. On a récupéré de vieux bus à impérial via les services de transport en commun de l'agglomération de Lyon, de vieilles voitures, une pompe à bras du musée des pompiers. la SNCF a affreté un ancien train pour reconstituer le trajet Saint-Fons - Saint Pierre la Palud, ville minière dont l’activité s’est arrêtée en 1972 et qui alimentait en minerais le site de la chimie. Au XIXè siècle, le transport était quotidien.
Ce fut un temps très fort, très exceptionnel car l’ensemble des habitants s’est mobilisé. On a parlé pendant très longtemps de ce centenaire. Ce fut un événement avec beaucoup d’interactions, de fusion, de convivialité.
On a également utilisé l’opportunité pour susciter des rencontres, de la réflexion, des échanges autour des débats de l’époque. En 1894, Sadi Carnot - Président de la République - fut assassiné par un anarchiste italien.

A l’époque, il y avait déjà une forte communauté italienne ouvrière pour l’industrie. Suite à l’assassinat, il y eu des répressions très fortes envers les Italiens. Cet événement nous a incité à créer des échanges sur le racisme en faisant appel à des chercheurs.


Sans fausse modestie, quelles sont les forces, talents, contributions qui vous ont été utiles dans cette situation ?

Le sens de la conduite d’un projet : j’avais des bases et elles se sont confortées. Réunir les bons acteurs, fonctionner en groupe projet, piloter
Etre bon gestionnaire du budget (budget à tenir, aller chercher des financements)
Faire preuve de leadership, d’écoute, d’attention : à la fois canaliser et susciter les envies, respecter le rôle de chacun dont celui fondamental, pour ce type d'évènement, des élus.
Tout l’événement a reposé sur permettre l’expression des talents des autres : la tenue de la classe, le théâtre de rue, la musique ...

Qu’est-ce qui vous a procuré de la satisfaction, du plaisir ?

Voir la joie et la mobilisation collective, l’enthousiasme, l’engouement. Les gens ont eu plaisir à se rencontrer, à discuter, à préparer
Faire projet commun, co-construire.

Ce qui fait sens dans mon métier ?
Faire vivre un territoire, que les gens vivent le mieux possible ensemble.
Aider les élus à mettre en oeuvre un développement harmonieux, que les gens vivent bien là où ils sont.


Quels seraient vos trois souhaits pour pouvoir vivre plus souvent ce genre de situation ?

Prendre le temps de choisir, avoir le temps libre, être disponible à ce qui vient et ce qui correspondra à mes souhaits et mes attentes les plus profondes.
Accompagner là où je prends du plaisir, là où ça fait sens, ce qui correspond à mes préoccupations sociétales
Me retrouver au coeur de projets, microprojets qui aident à mettre de la vie, de l’animation, au sens premier du terme (ce qui donne une âme, ce qui contribue au lien social).

Clôture de l’interview : Avec quoi vous repartez ?


Ca m’a permis de revivre un moment fort, réexprimer mes convictions. J’ai la certitude d’avoir fait un beau métier. Je vois poindre des aspirations nouvelles. J’ai démarré ma carrière en 1981 avec l’utopie de changer la vie, avec celle aussi d’une décentralisation qui devait modifier la relation au pouvoir, je la termine avec l’arrivée, dans les principales grandes villes, de nouvelles équipes politiques, porteuses de l’utopie de sauver la planète. Qu’importe, au fond, que ce soit atteignable ou pas. De telles utopies font bouger les lignes, créent des dynamiques et du mouvement, suscitent du débat. Ce dont nos sociétés ont grandement besoin.

Claude de Soubeyran et William Gras