Petit Manuel de Coopération en Milieu Hostile
Introduction
Nombre d'entre nous portent des valeurs de coopération et d'entraide, voire même suivent des formations dédiées pour nous organiser de cette manière.
Mais comment fait-on quand on est face à, ou à l'intérieur, d'une organisation (association, entreprise, institution) qui adopte une forme de compétition-réflexe, renforcée par ses procédures internes et la manière dont elle est structurée ?
De Septembre 2023 à août 2024, nous avons collecté plusieurs histoires de coopération réussie en milieu hostile, en utilisant un outil de la démarche appréciative : L'entretien appréciatif
L'intention est de repérer les conditions, postures, pratiques qui augmenteront les probabilités qu'une démarche de coopération réussisse même si le contexte est loin d'être idéal. Une sorte d'aikido de la coopération 🙂
Synthèse des résultats
Cette synthèse est une interprétation, rien ne vaut la lecture de chacune des histoires. Vous verrez que ces résultats n'apportent rien de magique ou d'extraordinaire, et peuvent sembler évidents, mais le fait de les avoir à l'esprit dans la conception de votre intervention devrait permettre d'augmenter vos chances de succès.
Ce qu'on amène
D'après les témoignages, voici quelques éléments à apporter dans votre démarche qui pourront vous soutenir :
Compétences
Et oui, maitriser les outils qui permettent de faciliter la coopération et les dynamiques de groupe constructives restent un incontournable. 🙂 . Formez-vous ! Pratiquez ! Ou entourez-vous de personnes qui pourront les déployer pour vous.
Agileté
Beaucoup de témoignages font référence à une forme de fluidité dans l'intervention :
- Un recul sur la situation à l'aide de l'humour, de la légéreté, de la créativité
- Une capacité à lâcher prise : se laisser le droit à l'erreur, voire même garder à l'esprit qu'il est possible d'abandonner complètement. Ne pas tenter de tout contrôler ou d'obtenir absolument des résultats.
- L'adaptabilité : Jouer avec le contexte. Il n'y a pas de mal à planifier mais votre analyse de la situation au fur et à mesure de son évolution et votre faculté à saisir les opportunités, à contourner les obstacles et faire avec ce qui est permettront de conserver votre cap malgré les aléas.
Conviction et sens des responsabilités
Connectez-vous aux raisons de vous lancer dans cette aventure. Comme le dit Héloïse : Qu'est-ce que vous voulez vraiment vraiment vraiment ?
Faites tourner votre moteur interne à plein régime pour tenir dans les moments difficiles.
Quel est le rôle que vous choisissez de prendre ? Quelles responsabilités vous êtes en mesure d'assumer ? Derrière ces questions, vous trouverez votre pouvoir personnel et un terrain solide pour vous soutenir.
Réfléchissez également pour savoir où sont votre plaisir et votre envie, et gardez un oeil dessus.
Ecoute
Ici se mélangent écoute, ressenti et vigilance. En prêtant attention au groupe, en collectant les avis divergents, les initiatives et les propositions, vous pourrez les intégrer à votre intervention et vous appuyer dessus pour vous adapter à la situation.
Relier
Créer un langage commun, des alliances, fédérer, concilier les attentes, favoriser le faire ensemble. Voilà les expressions utilisées pour décrire cette capacité à passer d'un tas d'individus à un groupe et renforcer les liens
Audace
Osez. Il vous faudra de toute manière faire ce premier pas vers l'inconnu et faire ce que vous n'avez jamais fait.
Trouver les alliés
Chaque individu est différent, trouvez les personnes qui sauront vous soutenir, sur lesquelles vous appuyer quand vous commencerez à douter ou à manquer d'énergie. Et si vous n'en trouvez pas assez dans le projet, faites appel à des personnes externes pour vous inspirer, vous nourrir et créer cette zone de sécurité pour vous ressourcer
Faire preuve d'humilité et laisser la place
Parfois, certaines personnes auront un rôle plus important que vous à jouer, ou un pouvoir suffisant pour déstabiliser complètement le projet. Sachez lâcher le contrôle et leur donner de l'espace pour faire leur part. Utilisez l'énergie existante plutôt que d'essayer de tout porter à bout de bras.
Cadre de confiance
Evidemment, le cadre de sécurité nécessaire à la coopération. Doit-on vraiment développer ? 🙂
Assertivité
S'adapter et laisser la place ne veulent pas dire que vous devez vous laisser bousculer. Sachez recadrer, résister, refuser lorsque c'est nécessaire pour prendre soin de vous et garder votre équilibre. Utilisez pour cela les points d'appui décrits plus haut.
Les facteurs externes qui pourront jouer en votre faveur
Soutien du collectif
Déjà mentionné précédemment, mais c'est important. Forcément, si vous êtes en milieu hostile, vous allez rencontrer de la résistance, des comportements compétitifs, défensifs. Ne les laissez pas vous déstabiliser.
Repérez les sourires, les enthousiasmes, les signaux positifs et encouragez les, nourrissez les. Peu à peu, la dynamique coopérative aura suffisamment d'inertie pour diluer les résistances des plus récalcitrants, sans vous pomper toute votre énergie .
Acceptez les témoignages de reconnaissance et les compliments, collectionnez les comme autant de pépites qui confirmeront le sens de votre démarche.
Une crise
Les temps de crise ouvrent des interstices, un besoin de changement, de faire autrement qui représentent autant d'opportunités de proposer des alternatives, de tester de nouveaux outils. Plutôt que de la subir, profitez en !
Des apports en connaissances et en ressources
De la même manière que ces entretiens appréciatifs puisent dans l'expérience collective, vous pouvez également vous appuyer sur ce qui a déjà été vécu par les participants ou votre entourage. N'hésitez pas à les solliciter et à valoriser leurs contributions. Vous n'êtes pas seul·e .
Acceptez les ressources qu'on vous propose ou identifiez celles qui existent déjà dans votre environnement d'intervention.
Identifiez les points d'influence
Qui décide ? Vers qui se tournent les gens lorsqu'il faut trancher ?
Reperez les personnes qui ont plus de poids dans le système et présentez-leur votre projet, écoutez leurs conseils, sollicitez leur soutien.
Un espace commun de capitalisation
De l'information disponible, des résultats évidents et accessibles pour que toutes et tous puissent rester connecté·es à la démarche. Indispensables pour coopérer et permettre l'autonomie !
Et si c'était à refaire
Lors des entretiens, nous demandons aux personnes interrogées leurs souhaits pour que ça se passe encore mieux la prochaine fois.
Ces souhaits reprennent ce qui a déjà été mentionné :
- De l'expérience en facilitation
- Impliquer plus largement différentes parties de l'organisation, et notamment la hiérarchie, en passant plus de temps pour bien comprendre les personnes clés. Et impliquer en profondeur pour coconcevoir et coanimer la démarche.
- Célébrer les petites victoires et les rendre visibles
- L'importance du cadre, et de définir/clarifier tout cela dès le début.
Un élément nouveau a émergé : Effectuer un bilan de l'action pour comprendre ce qui a fonctionné, les prises de conscience et voir si les changements s'opèrent dans la durée.
Conclusion
Je ne sais pas si cette synthèse sera utile pour vous. Sa construction m'a permis de creuser chaque histoire et de les superposer les unes aux autres pour trouver les points communs et m'a offert une compréhension plus fine des mécanismes à l'oeuvre et des endroits où trouver du soutien.
L'image que j'ai en tête après ce travail, c'est le personnage de dessin animé : Avatar, maître de l'air, qui mêle des postures franches aux appuis solides et des mouvements fluides qui permettent de manipuler les éléments dans une sorte de danse 😅
Bonne lecture !
Yannick.
J'aurais aimé interviewer plus de gens mais mes invitations n'ont pas eu autant de succès que je pensais
Le questionnaire reste ouvert si vous souhaitez apporter votre contribution aux histoires ci-dessous. Raconter une nouvelle histoire !
Quelques interviews inspirantes réalisées par le collectif Animacoop :
Tout le contenu est bien entendu sous licence CC-By-SA
Les histoires qu'on nous a racontées jusqu'à présent
A 2 vitesses
Cette histoire est très récente. J'ai été appelée au printemps dernier par un représentant d'organisations actives dans le social. Elles ont mutualisé des formations qui fonctionnent très bien et dont les effets dans les pratiques pro sont vraiment constatées.
Mon profil correspond, semble-t-il à leur projet commun qui demande passablement de coopération. Tout le projet est écrit, cette 1ere démarche a pris près de 2 ans.
Afin de m'imprégner de ce milieu nouveau pour moi, je passe mon 1er mois à aller d'organisation en organisation pour comprendre les enjeux et les spécificités de chacun des partenaires.
Un fois le diagnostique fait, un groupe de travail est créé pour avancer sur projet consacré à l'hybridation de la formation. Ce groupe comprenant des responsables formation et DRH se réunit 1 fois par mois pendant 2 heures, les gens apprennent à se connaître. En parallèle, une réunion avec les directeur a lieu tous les mois. Le décalage entre les besoins apparus d'un côté et la vision de l'autre est flagrant. Il semble que le dialogue entre les parties au sein de chacune des entités est très réduit (en tous les cas sur ce projet). Ca m'interroge, mais je comprends assez vite qu'une partie de mon rôle va être d'assurer ce rôle de transmetteur d'information.
Le groupe de travail avance (très)vite. La montée en compétences sur le fonctionnement en coopération, le "faire ensemble" est sensible. Niveau Direction, un coup de frein clair est mis en décembre. La décision tombe, le projet ne concernera que l'organisme chargé des formations pour l'ensemble des organisations... Souhaitant informer le groupe de travail de ce tournant, je devrai attendre un mois pour envoyer un compte rendu validé et réaliser que ces personnes n'avaient pas été informées en interne.
Parallèlement, je suis sollicité sur un autre truc, qui réunit plusieurs personnes du groupe de travail. La déception est palpable.
Pour qu'un projet de coopération fonctionne, il faut de la diversité et là on a que 5 hommes de plus de 50 ans, blancs dans la direction. Le résultat est sans surprise, avec un effet de cohorte n'encourageant pas l'innovation.
Aujourd'hui je sais que le groupe projet continue à coopérer ensemble mais ce n'est pas formalisé.
Initalement, les réunions du groupe projet devaient avoir un représentant par organisation. Finalement les RH et les formateurs venaient à chaque fois.
Ca a permis de développer un langage commun quand chacun repartait dans son entité.
Avoir un espace de capitalisation, des résultats tangibles, concrets.
L'humour : c'était détendu, on avançait, mais de manière joyeuse.
Avoir vieilli : Il y a quinze ans, je n'aurais jamais osé prendre un mandat pareil, je ne savais pas ou on allait. Les organisations étaient tellement différentes = complexité. Mais quoiqu'on fasse, j'étais convaincue que nous ne reviendrions pas à 0. Nous avons construit ce qui était possible en fonction du contexte.
Pour moi, on est venu me chercher sur les éléments de coopération et j'ai réussi mon mandat.
Deux fois ils m'ont dit : "C'est incroyable, ici quand on ne comprend pas ou qu'on est pas d'accord, on ose le dire. Il y a plein de milieux où c'est très compliqué.""
Ils venaient tous malgré le fait qu'ils aient un boulot d'enfer. Le fait qu'ils souhaitent tous se connecter à quelque chose.
Qu'ils soient tous allés sur le wiki ou je capitalisais les choses.
Partager des outils au fur et à mesure, et quoiqu'il arrive, même si ça s'arrêtait demain, ils avaient un espace pour tout retrouver.
Je continue à garder la communauté active pour loguer ce qui continue d'être fait : si une personne fait un cahier des charges, etc... les outils de productions sont partagés et la communauté est informée à chaque fois.
Garder du lien (de l'information), éviter les silences trop longs, quand il y a des occasions à la marge, oser poser les questions aux uns et aux autres. Donner des prétextes, montrer que même si ce n'est pas officiel que c'est une unité de coopération, ça devient un réseau vivant.
Les gens savaient se rassurer et s'encourager mutuellement.
-Avoir des directions marquées par la diversité
-Qu'il y ait un dialogue inter organisations, que le travail en équipe soit une réalité dans chacune des organisations, qu'ils se tiennent au courant de ce qui se passe dans leurs équipes.
Accompagner le dérapage
En milieu carcéral, on s'est retrouvé avec mon collègue Guillaume à 2 minutes d'une intervention pour commencer le développement des compétences de tutorat quand le directeur a déboulé en disant "il y a rien qui fonctionne, ce groupe n'est pas capable de sortir les documents que j'attends... J'hésite beaucoup à faire une demande de budget pour continuer vos services sur 2024".
Les stagiaires sont arrivés à ce moment. Il les a apostrophé sur le fait qu'ils avaient mis des fourmis sur leur blason.
Pour amener un peu de détente dans la session j'ai rappelé que "Mr de La fontaine avait une grande estime pour les fourmis." Le Directeur a dit : La fourmi n'est pas prêteuse" et s'est assis dans le cercle.
A partir de là, on l'a encouragé à exprimer ce dont il avait besoin, on a listé tout ce qu'il disait et on a fait tourné un baton de parole.
Il était rassurée qu'il pouvait être entendu. On lui a confirmé ensuite qu'on allait animer la matinée comme prévu et que nous discuterions avec les stagiaires comment modifier l'après-midi pour prendre ses demandes en compte. Dans la matinée, on a retravaillé les fondamentaux de la communication non violente et animé des espaces de pratique. On a posé au milieu les demandes du directeur et on a encouragé les participants à identifier les endroits pas clairs ainsi que les endroits où ils se sentaient en sécurité ou pas en tant que groupe.
A 11h45, on leur a dit que c'était eux qui allaient aborder les questions avec le directeur à 14h. Ce qu'ils ont fait.
On a eu à la fin un accord collectif sur ce qui devait être fait, quand et comment. La difficulté en prison est que les équipes différentes n'ont pas les mêmes plannings, donc du mal à se retrouver ensemble sur le même créneau.
Le Directeur est reparti à 15h : on a fait un débrief et on les a fait réfléchir sur la place qu'ils avaient pu prendre en temps que groupe.
En fin de journée, ils ont travaillé sur les 4 objectifs qualitatifs et quantitatifs pour s'organiser et savoir comment chacun pouvait contribuer.
On a transformé cette contrainte de début de journée en expérience d'apprentissage, et ça a énormément soudé le groupe de pouvoir vivre cela ensemble.
La fois suivante, ils ont pu faire un cercle pour réguler eux mêmes leurs tensions sans qu'on intervienne, aussi parce qu'ils avaient pu trouver leur place par rapport à ces attendus qui n'avaient pas été clarifiés de prime abord.
On n'a pas essayé de transformer ce qui était, on a laissé partir dans le mur.
Ensuite, j'ai posé un trait d'humour qui a permis de prendre de la distance.
Toujours garder le point de vue haut, ne pas se prendre au sérieux, prendre de la distance, laisser à la personne ce qui lui appartient et prendre ce qui appartient à soi. Avoir une sorte de vigilance par rapport à ça.
Le groupe s'est senti sécurisé parce qu'on a su développer une vraie confiance. Capacité à créer une confiance grâce au non jugement, l'accueil inconditionnel. Ils n'ont jamais douté qu'on était de leur côté, et ça leur a permis de prendre leur place. Ce regard sur l'autre.
On a montré au directeur ce qu'on avait fait toute la matinée et comment on avait utilisé sa demande comme manière de faire travailler les surveillants. Les questions qu'ils posaient étaient les vraies questions qu'ils avaient. Remettre les choses dans un contexte qui a du sens pour la personne et toutes les parties prenantes, permet de sortir de son positionnement émotionnel, de revenir à une posture plus neutre. Il est redevenu directeur parce qu'on l'a remis dans le contexte de développement de compétences de tutorat dans le milieu carcéral. Passer du micro au macro.
- Que la hiérarchie prenne le temps de venir, un représentant a été nommé et est venu à la dernière journée, mais on aimerait une journée avec toutes les parties prenantes pour la suite du programme.
- Les gens sont rarement disponibles en même temps dans ce milieu là : voir comment leur organisation peut fonctionner de manière à laisser plus de temps au travail collectif. Peut-être définir des plages de rencontres longtemps à l'avance pour se rencontrer et continuer à grandir ensemble.
- Faire encore plus que ce qu'on a fait, qui était une 1ere partie d'expérimentation avec la CNV, et les 3 dernières parties : construire sur ce dont ils ont besoin. Faire plus de co-construction : partir des besoins évolutifs des stagiaires pour avancer et co-construire plus tôt dans le programme.
A coeur vaillant rien d'impossible
Moment ancien ou j'étais novice. En 2019, au moment du lancement du collectif inter hôpitaux, j'étais au CHU de Clermont Ferrand et j'ai fait partie des 2 leaders de ce mouvement à Clermont, construit beaucoup avec des médecins et des professeurs de médecine, donc hostiles : médecin, chercheur, politique, avec des conditions sociologique, sociologie de privilégié.
J'étais une femme jeune, médecin contractuelle. J’avais un allié de poids, professeur de médecine, une personne aux caractéristiques "homme blanc de plus de 50 ans" - plus rien à prouver, qui m'a soutenu et m'a fait confiance. Je n'avais pas mesuré à quel point c'était un des facteurs clés.
Il y a eu une journée de mobilisation en novembre 2019, très suivie, rare chez les médecins. Le CHU s'est mobilisé et j'ai proposé de se saisir de cette journée pour faire des ateliers de réflexion. Ça a été bien accueilli, nourri par les précédentes AGs que j'avais co animé, voire animées moi même avec le soutien de cet homme et le soutien d'une femme, soutien institutionnel, parole d'autorité forte.
2 ateliers en format Intelligence collective avec un qui a hyper bien marché, visiter les 4 postures : de très favorable et à très défavorables. Visiter des postures qui n'étaient pas notre avis.
Les retours étaient : c'est chouette de faire ça, ça faire vivre des choses.
Sur le 2ème, mon cadre a été complètement pété par une autre parole d'autorité, un autre professeur, je n'avais pas de soutien.
Un peu d'opportunisme, de se saisir d'un moment où il y a un peu de flottement, une brèche qui s'ouvre et de ne pas laisser trop de temps filer, avec un peu de légereté quand même. Ne pas mettre trop de sérieux là dessus. Equilibre entre légèreté et sérieux. Il ne faut faire peur dans ces milieux hostiles (trop new age, perché) mais quand même prendre la place. Mélange légitimité sérieux et légèreté déconnade.
Une capacité à fédérer et à inclure et concilier les différentes attentes. Don de traduction entre des langages différents et des attentes un peu différentes.
J'avais fait un peu mes preuves sur un côté rigueur, organisation, engagement, sérieux, et j'ai pu m'appuyer là dessus, je n'aurais pas pu débarquer de nulle part.
Avoir le diplôme, avoir fait preuve d'un certain engagement.
Avoir été chercher des alliés des 2 côtés : figures d'autorité, et des jeunes médecins pas tout à fait en phase avec ce qui se passe.
Un moment de crise où des interstices se sont ouverts
Je n'étais une menace pour personne, je n'allais prendre la place de personne.
Le travail et la préparation : J'avais beaucoup préparé les ateliers
- Je regrette qu'il y ait eu une sorte de déception derrière, des personnes qui sont venues et se sont engagées et les choses n'ont pas bougé plus vite et c'est retombé.
- A ce moment là, je n'avais pas une expérience incroyable des outils et des postures donc un peu plus de bagage personnel, d'outils et du soutien là dessus
- C'est resté très "entre médecins", je n'avais de contacts ni de soutien autre : j'aurais pu aller les chercher ? Plus de compétences, plus d'expérience et plus de soutien des personnes qui ont ces compétences et cette expérience. Peut-être une croyance fausse mais il aurait peut-être fallu qu'elles aient le bon CV, peut-être que dans les milieux hostiles, il faut le costume.
Coopération et collectivité
Dans un projet avec une grosse collectivité que je ne nommerais pas, on s'est retrouvés bousculés par un calendrier très tendu, des procédures rigides et une équipe commanditaire qui passait tout de suite à l'opérationnel sans prendre le temps de se coordonner. Du coup, tout ce qu'on proposait était mis en situation d'échec, morcelés en petits bouts qui ne voulaient plus rien dire plutôt qu'en un ensemble cohérent. Ca a généré de vraies tensions au sein de l'équipe. De mon côté, je poussais plutôt l'approche : on leur rentre dedans, tandis que d'autres argumentaient le : il faut prendre soin des gens avec qui on travaille, ils ont aussi une réalité. C'est comme si le conflit externe s'était invité à l'intérieur de notre groupe, pourtant bien soudé et habitué à travailler ensemble.
Le fait d'échanger entre nous et de clarifier nos positions et nos envies a permis d'arriver à une sorte de compromis : on a sollicité une réunion de coordination avec toute l'équipe, on a préparé en amont nos Zones à Défendre : chaque personne a dit ce qui était important pour elle de faire passer comme message, en se disant : quand une personne l'amène, on la soutient jusqu'à ce qu'on aie l'impression que le message aie été compris.
On s'est aussi demandé quelles étaient leurs motivations et contraintes pour agir comme ça, ce qui a permis de créer de l'empathie et de s'assurer qu'on ne les mettait pas en réactance par rapport à ce qu'on a amené. A la fin de la réunion, nos messages étaient passés, et on a pu planifier des réunions de coordination sur le reste du projet. L'équipe commanditaire a finalement très bien reçu tout ce qu'on a dit et a clarifié les contraintes qu'ils avaient, ce qui nous a permis de les soutenir pour faire face à ces contraintes.
Trouver le temps de faire tout ça.
L'équipe commanditaire qui a accepté la réunion, et a su écouter.
Le fait qu'on était prêts à abandonner le projet s'il perdait son sens
- Un safe word : On va tenir une certaine posture, si à un moment ou à un autre, on est en train de vous écraser contre votre propre système, dites ce mot et on lâchera notre posture pour vous soutenir face à cet obstacle
- Un temps après pour s'assurer que personne n'a été blessé dans l'histoire
- Une sorte de plateau de jeu pour poser tous les points de vue et les manipuler jusqu'à ce que tout le monde trouve la posture collective satisfaisante.
Des ateliers casse gueule
Au tout début de Donativo en 2016, ma première mission. Le but était de travailler une nouvelle réorganisation des services d'une collectivité. Mon client était le DGs. J'ai proposé un processus avec 7 ateliers de 1 journée qui s'appuyaient sur des thématiques transversales. Repenser le projet de réorganisation avec la transversalité comme donne commune pour qu'il y ait un partage d'expérience.
Un préalable était que les personnes soient volontaires pour venir : personne ne devait être contrainte d'y aller.
Au premier atelier, je me suis rendu compte que ça n'avait pas du tout été respecté.
Il y avait aussi une feuille d'émargement qui indiquait les catégories des personnes (A, B, C) pour préparer la bouffe du midi.
Et 3eme truc : le syndic s'était donné le mot pour venir à chaque atelier pour le flinguer.
Je ne savais pas que j'allais pas être instrumentalisé à ce moment là, le voeu du DGS était de mettre tout le monde dans le rang pour que tout le monde s'embarque dans son projet.
Les ateliers étaient parfois espacés d'une nuit. J'ai dû gérer ma fatigue émotionnelle, mais ma grande fierté est d'avoir réussi à me débrouiller pour que chaque atelier aille jusqu'au bout, malgré les personnes difficiles et un client très manipulateur.
J'ai appelé mon client pour lui demander de m'expliquer pourquoi le cadre n'avait pas été respecté. Il m'a dit qu'il avait passé le mot. J'ai appelé un directeur qui m'a dit : le DGS m'a dit qu'il devait y avoir du monde, faites comme vous voulez.
J'avais entre 25 et 40 personnes à chaque atelier, quand tu rentre le matin et que tu sens l'énergie de merde, les gens qui sont tous seuls dans un coin à regarder leur téléphone, c'est dur.
Mon premier réflexe a été de rassurer mon regard et ma posture sur les gens en bonne énergie. Quand j'animais, je cherchais leur regard. C'était inconscient au début et je l'ai conscientisé au 5ème atelier. Il y a des gens qui donnent de l'énergie et d'autres qui en prennent c'est sur.
Le 2ème reflexe : C'est de dire : je sais ce qui se passe, je ne suis pas naif ni candide, je veux que tout le monde puisse à tout moment venir me dire si c'est trop ou pas assez. En tant qu'animateur, ma posture est de protéger le groupe et que la journée se passe bien. C'est peut-être le moment de faire passer des messages ou pas, mais en tant que garant, je vous demande de ne pas emmerder le groupe. Et à tout moment si une personne qui s'est mise de côté veut revenir dans le groupe, il n'y a pas de problème.
Je me suis rendu compte que vu que les 3 précédents ateliers s'étaient bien passés, d'autres personnes sont venus, conseillés par leurs collègues.
Un souvenir marquant : la gestion des cas (personnes), 3 étaient syndiquées, visages hyper fermées, il n'y en a qu'un que je n'ai pas pu dérider sur les 175. Cette personne n'a pas dit un mot mais il n'a pas dérangé le groupe. Je suis venu le voir 2 fois dans la journée, et je lui ai dit : tu viens quand tu veux, dès que t'as envie et si t'as envie de partir, il n'y a pas de souci non plus.
Un autre exemple : une dame aussi très fermée, et au milieu de l'après midi, elle vient me voir et son visage avait changé, elle me dit "Patrice Merci, vous m'avez autorisé et vous m'avez accordé une place que je ne m'attendais pas à trouver, et je me suis investi dans des choses qui me convenaient en sentant l'énergie du groupe derrière". D'autres personnes m'ont dit : "Ce qu'on a fait là, on ne le fait pas assez"
Tant qu'on peut tenir le process c'est cool, s'il faut arrêter l'atelier parce que ça ne marche pas, il faut le faire.
C'est ce que je posais : si à un moment je sens qu'il faut l'arrêter, je me permettrais de le faire et ce sera aussi un rapport d'expérience pour mon client. Tous les ateliers sont allés au bout.
Je tire beaucoup de fierté dans ma gestion du groupe et des personnes. J'allais questionner sans être intrusif, en voyant leur colère en leur disant je suis là, je vous vois, je sais. Et ces personnes se sont senties autorisées, avec une place à prendre.
Pour toutes ces personnes forcées et contraintes, elles ont apprécié l'expérience, parfois ce n'est pas tant le processus. Ces agents étaient et sont toujours en souffrance et ont besoin de ces moments là pour se rencontrer et faire un truc ensemble.
J'ai réussi ce coup d'être à la fois concentré sur le groupe et sa progression et sur des personnes. Je prenais de l'énergie sur des personnes positives qui venaient me rassurer pour pouvoir donner à d'autres.
Attention à ne pas surjouer, sur représenter, insister sur des points qui m'échappaient : rester à ma place.
Je n'ai pas hésité à me dire : si ça plante, c'est pas grave. Ne t'accroches pas à la réussite de ton process si tu sens que ça ne prend pas.
Ne pas forcer les personnes à coopérer si elles n'en ont pas envie.
Avoir cette invitation peut-être naive : le contexte est celui là, vous êtes peut-être forcé de venir, soit vous profitez de cette journée pour en faire quelque chose, soit ce n'est pas tenable pour vous et on arrête. C'est l'argument qui a facilité les choses.
Ce qui m'a permis de tenir bon c'est de me dire que je pouvais lâcher.
- Que mon DGS ne soit pas le seul interlocuteur, que ce soit l'ensemble du CODIR pour mettre les conditions de réussite d'équerre et collecter leurs attentes
- Espacer plus les ateliers = 1 par semaine et pas 7 en 15 jours : prendre soin de moi
- La coopération ne se construit pas que sur un atelier, il s'est passé des choses, et je suis triste pour ceux qui n'ont pas eu de continuation derrière. Plutôt vendre un parcours.
Elu-e-s, opposition, et pacte pour la transition
- 2020 pendant les élections municipales. J’ai travaillé avec des personnes dans le pays de Gex pour pousser le pacte pour la transition. 32 mesures, des idées. En présence des listes qui se présentaient aux municipales. Le but : les engager sur des mesures pour engager la transition.
- Le pays de Gex c’est 28 communes. Donc faire un événement sur une après-midi pour sensibiliser à ces mesures, lancer des conversations pour savoir lesquelles ont le plus de sens à être déployées
- Invitation de personnes déjà élues, et d’autres qui se présentaient aux élections ; chaque camp présent : oppositions, citoyens, militants, différents bords. Les élus se « tenaient bien » car période électorale . Plein de sujets clivants aborder : parler aussi bien de l’énergie nucléaire, que de la mobilité, du cyclisme, de l’écologie…
- Vu que je suis facilitateur j’ai proposé un processus : faire des cercle samoan pour chaque thématique : 9 cercles. Chaque cercle étant nourri au début par des personnes ressources, des experts. Avec au milieu un cercle de 4 chaises de personnes qui discutent entre elles, et lançent les conversations. En laissant une chaise vide parmi les 4. Si une personne du deuxième cercle voulait participer à la conversation, elle venait s’installer sur la chaise vide, et une des 3 autres personnes devait partir pour toujours laisser une chaise vide. Il y a eu 3 cercles samoan en parallèle, puis à nouveau 3, puis à nouveau 3. Ces cercles étaient séparés par des affichages sur lesquels il y avait les mesures pour le pacte pour la transition. Comme ça les personnes présentes pouvaient mettre des post-its et des gommettes pour voter. C’était comme un espace d’exposition.
- Ça s’est pas mal passé. Personne n’a élevé la voix, les conversations ont été très sereines, même sur le nucléaire alors qu’il y avait des physicien, des pro et des anti nucléaire. Ils ont pu parler ensemble. C’était très satisfaisant.
- Ma boite à outil de facilitation : connaître les outils, aimer les assembler, les reconstruire. Construire quelque chose qui fait sens en fonction du projet ; connaître la magie sous-jacente des outils.
- Anticiper, arriver à me projeter dans ce qui peut se passer : voir le déroulé et ce qui peut se passer, les écueils, les obstacles, ce qui peut partir en vrille -> construire un événement comme un tout, comme un parcours en me demandant qu'est-ce que les personnes vont vivre, quel va être leur état d’esprit, ce qui va les faire basculer dans la frustration.
- Ecoute et force de proposition, j’ai proposé ce truc là et on a construit ensemble, avec le collectif : comment on positionne tout, comment on affiche, on a créé et conçu collectivement l’espace ensemble
- Lâcher prise rapidement sur les résultats : il y a très peu de choses qui sont importantes pour moi ; je ne me dis pas qu’il faut absolument que ça réussisse. Pour moi, c’est de l’expérimentation, le plus important est d’apprendre plus que d’obtenir un résultat. Le partageable, le réutilisable plus que la validité à un instant t ; « cette capacité à en avoir rien à foutre »
- Réseau et audace : oser contacter plein de gens pour intervenir, réseau d’amis, de connaissances, à force de trainer dans des associations, des collectifs. J’ai fait appel à une personne qui travaille pour la gestion de l’eau à Genève, une personne qui s’occupe de l’énergie basse température sur le pays de Gex, une personne qui s’y connaît en logiciels libres, des physiciens. C’était intéressant.
- Confiance. Petit groupe qui me fait confiance et on se fait confiance sur faciliter, un événement assez gros avec des enjeux politiques. On s’est pas posé de question. Enthousiasme collectif.
- Liens et moyens. Les colibris avait accès à une salle sur deux jours une fois par an. Ils nous ont donné accès à la salle des fêtes pour une journée sans rien dépenser.
- Le cadre qu’on a créé. Si on avait fait juste une réunion publique, ça serait parti en vrille, ça n’aurait pas été assez efficace. Une personne aurait pu être énervée, une autre mobiliser la parole. Le cadre créé avec des espaces différents, c’était impossible que quelqu’un prenne le pouvoir sur l’événement, rien qu’avec les paravents, c’était très soutenant. Que les gens puissent changer d’espace si ça leur convenait pas. Ca a été fluide. Que les personnes soient en mode élection, avec une injonction à bien se tenir ; ça a permis de ne pas retourner à la bonne violence des élections municipales
- Transmission. Le travail de toutes les personnes qui facilitent depuis des milliers d’années, pour qu’on n’ait pas besoin de réinventer la roue 25 000 fois.
- Qu’on ressorte avec des trucs plus concrets, que les gens s’engagent à travailler ensemble sur tel sujet en se disant « ça faut vraiment qu’on le fasse, et, qu’on soit élu ou pas, on le fait »
- Qu’on empêche les gens de sortir de la posture de coopération, qu’ils se disent « on a compris que la coopération c’était bien alors on va continuer maintenant »
- Un temps de restitution pour créer le collectif, on n’a pas eu vraiment un temps de plénière à la fin, pour l’étonnement collectif, « on a vécu, on a fait tout ça », un temps pour créer une sorte de résonance entre les apprentissages, conscientiser et appuyer. Ca aurait permis aux gens de se voir les uns les autres de se reconnaître, « on n’est pas dans la même liste mais tu peux apporter des choses, t’es pas con finalement »
- Qu’on arrête avec ces histoires d’élections municipales, ces listes. Qu’est-ce qu’on peut faire avec les personnes qui veulent agir pour le territoire, parce qu’il est temps qu’on s’y mette
L'aventure d'un jardin thérapeutique
La création d'un jardin thérapeutique. Ca a commencé par des expériences dans un collectif qui s'appelle l'Essentiel, créé par Géraldine Schmitt, point ressourçant, qui a fait vivre une nouvelle manière d'être en groupe pour échanger, être créatif parce qu'à l'hôpital, tout était en tension, très vertical.
Je décide de créer ce jardin, et je commence par observer puis je crée un compost. Je théâtralise beaucoup cet investissement : je mets des bottes, un vieux jean etc... sans trop savoir pourquoi mais je le fais. Les collègues s'interrogent et je leur explique.
Je ne cherche pas à convaincre mais je fais. La secrétaire me dit : "tu peux pas savoir comme ça me fait du bien quand je te vois dans le jardin".
Je me dis, il se passe quelque chose, et donc avec la stagiaire Psychologue Paulina, on a échangé pour concevoir ce projet et avec l'hôpital a signé une convention avec l'Université pour cadrer cette 2ème année de stage au CMP.
Une fois le projet écrit, on le présente à l'équipe. On le fait dehors, debout, en cercle. Dans ce cercle, il y a les médecins de l'unité et la cheffe de service qui sont là malgré le fait qu'elles soient en conflit ouvert.
Tout le monde dans l'équipe sait que je fais des expériences en IC parce que j'en parle. J'ai vécu le fait que faire et être est beaucoup plus efficient que juste en parler.
Ces outils m'ont amené à réfléchir profondément à ma manière d'être en relation et de communiquer.
J'étais convaincue parce que je m'appuyais sur le Nous extérieur du collectif, il était intériorisé. Quand je faisais ça, ce collectif était avec moi. Une personne du collectif, Vincent, paysagiste est venue pour nommer toutes les espèces de plantes, arbres et arbuses du jardin de l'unité de soins.
Je suis d'une nature assez joueuse, créative, donc ça a ouvert encore quelques chose.
J'indiquais sans trop raconter mais je faisais. Au départ, on m'a pris un peu pour une folle, mais comme ça s'est écrit, structuré avec l'aide de la stagiaire psychologue et une étudiante en architecture qui a fait un super flyer.
J'étais comme messagère de quelque chose que je commençais à comprendre, qui me transformait profondément. Quelqu'un m'a dit : J'ai "ouvert une brèche dans la cage de l'institution qui devient totalisante dans son fonctionnement".
C'était un souffle, comme une nécessité pour l'équipe, pour les patients.
Des lectures. Gilles Clément était aussi un fil conducteur, il dit que le jardin est une question politique.
Mon papa, vieillissant, qui a toujours beaucoup jardiné, près de la terre, donc des temps d'échange avec lui. Et ma soeur, très écolo, qui m'ont donné des graines, des plants.
La validation de notre responsable d'unité qui l'a présenté en CME, de la cheffe de service et la direction pour que ce projet soit accepté.
Ca a décloisonné, on a travaillé avec des salariés non soignants.
- Si je reste dans cet hôpital et que je crée un projet, j'aimerais créer une alliance avec un tiers qui s'occupe de la facilitation. Quand je me présente en tant que soignante, je présente aussi cet angle là
- Qu'il y aie plus de soignants qui s'intéressent à ça. Les médecins sont encore décisionnaires. J'adorerais travailler avec un médecin qui a cette double casquette.
La démarche de publication ouverte à la ville de Brest
Privilégier dans un site initié par une collectivité l’écriture des acteur.ice.s du territoire n’est pas courant. Elle a été mise en oeuvre à partir de 2003 sur a-brest par la délégation "démocratie locale et nouvelle technologies" de la ville de Brest. Elle prolongeait une démarche initiée par les Cercles "Citoyenneté et Nouvelles Technologies" [1]).
Ainsi une culture du partage et de l’écrit public a été encouragée parmi les acteurs associatifs et plusieurs dizaines de sites sous spip et en CC ont vu le jour, une appropriation facilitée par l’accompagnement de l’hébergeur associatif Infini et les ateliers gratuits régulièrement proposés.
C’est dans cette lignée d’une coopération ouverte qu’a été initié en 2009 la première quinzaine Brest en biens communs, porteur d’une politique publique en faveur du développement des communs à Brest et les carnets d’écriture collaborative wiki-brest.
Au fil des années cette culture de la coopération ouverte s’est diffusée avec l’ouverture d’une dizaines de sites de publications ouvertes initiés par la collectivité dans des délégations motivées par la coopération.Même si elle n’a jamais été portée par la ville comme une politique globale, j’ai apprécié qu’elle soit possible et acceptée à Brest par la majorité municipale.
Cette démarche d’écrit public qui perdure aujourd’hui 20 ans après n’a quasiment pas bourgeonné ailleurs malgré des dizaines de présentations locales. (à citer comme autres pas de côté les écrits ouverts du Tilab comme Utilo, Riposte Creative Bretagne, labaccès et Riposte Creative Gironde)
Le site de la ville et de l’agglomération est aussi passé en Creative Commons ce qui en fait une exception dans l’univers des collectivités locales qui interdisent presque toutes par défaut toute réutilisation sous peine de poursuites de ce qui est produit par une collectivité publique par des agents du service public.
- Une envie de coopération ouverte
- le plaisir de partager
- le contournement des zones pathogènes
- l’attention aux initiatives
- le faire ensemble
- un alignement avec une pratique analogue dans le milieu professionnel tel Innovation pédagogique
- une compréhension des communs via Vecam
- des complicités amies via les rencontres comme Autrans, le Forum des usages coopératifs
- les projets coopératifs ouverts Creatif, Animacoop (Laurent Marseault, Jean Mchel Cornu) Une envie de coopération ouverte
- le plaisir de partager
- le contournement des zones pathogènes
- l’attention aux initiatives
- le faire ensemble
- un alignement avec une pratique analogue dans le milieu professionnel tel Innovation pédagogique
- l’apprentissage par le faire ne permet un bilan qu’après
- les 2 formations annuelles à la coopération ouverte https://animacoop.net/animacoop ont fourni un terreau fertile à la coopération mais difficile d’imaginer les faire advenir avant
- la pratique de la coopération ouverte à l’école et dans les formations continues (CNFPT) mais c’est un rêve ...
La saison de tous les dangers
Expérience ou j'étais responsable d'un bar dans un hotel restaurant au sein d'une association qui faisait beaucoup de choses. En 6 mois, j'ai eu au moins 4 managers de restaurants différents. tous les mois, il y avait un coup de théâtre, des histoires de clans, de manipulation, et il fallait faire tourner tout ça.
J'étais pas professionnel du domaine mais je suis assez fier qu'on aie réussi à faire tourner tout ça avec du matériel un peu vétuste, beaucoup d'heures, et peu de moyens.
Il y avait des oppositions un peu larvés, frontales, jusqu'à ce que le dernier chef me dise, toi je t'ai jamais aimé, tu dégages.
J'étais embauché sur une saison touristique de 6 mois. Ce qui est triste est que la personne qui m'a embauché avait une posture de coopération et n'était pas du métier, et on a abouti à l'inverse un gars du métier qui a verrouillé le truc
Prendre à coeur le rôle qui m'avait été donné.
Essayer d'avoir le plus d'automatismes possibles dans toutes les tâches pour gagner en temps et en énergie.
On était 3-4 salariés sur le lieu et des bénévoles, il y avait un peu toutes les postures : je m'implique le moins possible pour être le moins touché, et d'autres plus dans le sacrifice.
Une posture la plus non jugeante possible sur les gens en eux mêmes, continuer à respecter les gens malgré ce que j'avais pu savoir d'eux. J'étais un de ceux qui a essayé d'alerter sur une tentative de dissidence/putsch. Je trouvais dingue que personne n'aie vu ce qui se tramait, avec des personnalités bizarres qui jouaient un double jeu. La qualité serait la clairvoyance, essayer de trouver des alliés en qui je peux avoir confiance.
Qualité de lâcher prise, quand ça sautait et qu'une nouvelle personne arrivait, je continuais à faire mon boulot en restant centré sur mon rôle.
Profiter des gens bienveillants autour un maximum et du temps passé avec eux.
J'avais des gens fiables sur qui je pouvais compter, des gens de confiance.
J'avais le retour client, qui était souvent positif et qui faisait du bien, gratifiant.
Le fait de se sentir progresser dans sa pratique.
Le fait d'être dans un lieu qui brassait beaucoup de gens, c'était pas en vase clos. Il y avait toute une richesse relationnelle, qui faisait que je n'étais pas que focalisé sur la question du management.
Un cloisonnement des tâches, ce qui se tramait de pourri était dans les cuisines, et pas au niveau du service, j'étais la personne dans le monde visible du restaurant, et pouvoir cloisonner permet de ne pas se laisser complètement pourrir par la situation.
Agir plus tôt pour alerter sur ces personnalités.
Me rapprocher plus tôt de la personne qui était sur le siège éjectable, elle avait toutes les qualités pour rester mais je n'ai pas été assez rapide pour essayer de la protéger : agir vite quand on sent un loup.
M'affirmer plus, mes potentiels et capacités pour sauver une situation et prendre des responsabilités.
Etre plus machiavélique pour contrer les plans du méchant.
Organiser Noel c'est aussi coopérer !
Dans ma famille (comme dans beaucoup d'autres !), la femme la plus âgée invite la famille pour Noël : un grand repas, des cadeaux (spoiler alerte : le père Noël est une femme !), voire de l'hébergement sur plusieurs jours. Et quand la femme la plus âgée est trop fatiguée pour le faire c'est sa fille qui prend le relais.
Ma grand-mère a assumé cette charge sans la questionner jusqu'à ses 80 ans.
Puis ma mère s'en ait chargé. Autre génération, autre rapport au don de soi ! Elle a râlé mais elle l'a fait. Puis d'année en année elle râlait de plus en plus tôt dans l'année, elle réussissait à formuler des demandes d'aide.
Entre mon travail sur la coopération, mes lectures féministes et mon amour pour ma mère, je ne pouvais rester sourde à ces demandes !
J'ai pu affiner avec ma mère les tâches stressantes, pesantes : en particulier la logistique en amont de Noël et aussi la répartition des tâches pendant notre séjour chez elle.
Comme nous n'habitons pas toustes dans la même région et que ma mère avait besoin de traces écrites, j'ai créé un wiki (https://quincaillere.org/noel). On y trouve :
- une liste des tâches et qui s'y colle (ça nous a forcé·es à lister et à répartir, à clarifier ce qui était implicite )
- un pad par personne pour faire sa liste de cadeaux (trouver des idées c'est du boulot aussi !)
- un formulaire pour cocher ce qu'on commande individuellement chez le traiteur et donc in fine une liste claire pour passer la commande avec les articles et les quantités
- un calendrier pour préciser qui vient quand
- compétences autour de la coopération : entendre le besoin, partager les responsabilités ...
- sensibilité féministe
- compétence technique YesWiki
- assumer la tension entre l'outil numérique et la convivialité : mettre du numérique aussi peu que possible, autant que nécessaire
- oser utiliser mes compétences pro dans un contexte familiale
Noël revient tous les ans donc on réutilise ce wiki. On peut le questionner, l'améliorer, voir les fonctions les plus utilisées.
L'évolution des mentalités qui nous a poussé à faire évoluer ce que ma grand-mère avait fait jusque là.
Plusieurs membres de ma famille s'intéressent de près à l'informatique : c'était ludique pour eux et ça a aidé l'adoption du wiki.
- interviewer ma grand-mère sur ce que ça lui a couté / apporté d'organiser Noël toute seule toutes ces années
- vérifier si ma mère, qui fonctionne beaucoup avec des papiers, complète voire copie le wiki sur papier. et voir si c'est ok pour elle.
- demander aux hommes si cette expérience a déclenché des prises de conscience
Redynamiser une vieille association
C'est parce qu'il n'y avait pas de coopération que j'ai été introduit dans l'association pour mettre en place une gouvernance partagée, une association créée il y a 35 ans par trois personnes qui la dirigeaient toujours, en autocratie.
3 activités principales : fédérer les adhérents, former les professionnels et communiquer sur ce qu'ils font.
Au bout d'un moment, les membres ont dit : vous vous fatiguez, il faut du nouveau.
Une nouvelle coprésidente jeune arrive, essaye de définir un projet plus adapté à la société actuelle et mettre en place une gouvernance partagée.
Les 3 fondateurices ont eu une certaine résistance à laisser la place à ça. J'ai été mandaté pour les aider à définir une vision et une mission à 5 ans et une gouvernance partagée. A chaque réunion, l'un ou l'autre des cofondateurs venait et foutait le bordel en faisant des appartés en allant boire le café au milieu, etc...
A la 2 ou 3 eme réunion, j'ai dit à la présidente que je ne pouvais plus. J'avais créé le cadre et les accords de groupe avaient été définis. Et en fait les cofondateurs ne comprenaient pas ce que je leur disais, c'était la culture jusqu'ici et ils ne comprenaient pas.
Ce qui s'est passé c'est qu'une coalition s'est créée entre 3 membres du bureau qui fonctionnent maintenant en collégiale, et qui ont travaillé en sous main avec les fondateurs pour les remplacer. On a essayé de leur trouver des missions sur lesquelles ils puissent avancer mais ça n'a pas marché.
Pendant l'assemblée générale, des gens se sont levés pour donner leur sentiment sur ce dysfonctionnement et le fait que c'était le moment de changer.
Ca a frustré les fondateurs, et un des fondateurs est parti. On a essayé aussi de ne plus les inviter aux réunions.
- J'ai recadré un des fondateurs à plusieurs reprises en l'invitant le moins brutalement possible à se recentrer ou à sortir mais elle ne comprenait pas.
- La créativité dans les idées à mettre en oeuvre pour régler le problème, on a essayé plein de trucs et on rigolait.
- Capacité à créer des alliances, entre les 3 personnes nouvellement élues pour qu'elles s'articulent en dehors des réunions et se tiennent ferme.
- Il aurait fallu prendre le temps de discuter en tête à tête avec les fondateurs.
- Les accords de groupe qu'ils avaient crées étaient soutenants, plusieurs fois dans les réunions, ça permettait de s'y raccrocher même si ça repartait très vite en roue libre.
- Le principal financeur a dit qu'il allait réduire son financement de 30% sur l'année suivante, et le vice président de ce financeur était un vrai soutien moral pour la présidence : invitation à se consacrer à l'essentiel (argent et labellisation). C'est toute une histoire d'ambassadeurs internes et externes.
- Prise de conscience que la mise en place de Qualiopi allait fortement les impacter = pression sur le système
- Constat de la présidente : 400h passées sur son rôle en 2023 et elle était épuisée, elle voulait partager les tâches internes et les projets avec les autres : nécessité d'embarquer les 150 adhérentes
- Il aurait fallu prendre le temps de discuter en tête à tête avec les fondateurs.
- Souvent les définitions des mots clés n'ont pas été faites en début de projet et c'est source de conflits. Donc la prochaine fois, je le ferais en début de projet
- Les observer en dehors de leur accompagnement avec moi pour détecter les failles et les forces, et revenir ensuite pour débriefer avec eux.
Retrouvons-nous en famille
Comment faire pour que mes enfants reviennent me voir à la maison ?
Voici la question que ma mère m'a posée en 2011, avec beaucoup d'émotions.
J'ai 2 frères et sœurs du côté de ma mère. Et pendant un moment on ne venait plus la voir, ou peu souvent.
Maman veut qu'on revienne à la maison. Y'a plein de trucs qui clochent dans sa maison, et dans notre relation.
Est-ce qu'elle est prête à encaisser ça ?
Je lui ai demandé si elle était prête à tout. Je lui ai dit que des choses n'allaient pas lui plaire.
Elle m'a dit ok.
J'ai appelé mon frère et ma sœur. Ielles ont dit ok. Et on a trouvé une date pour se réunir.
On s'est retrouvé avec nos conjoint-es chez ma mère, et on a discuté tou-te-s ensemble.
On s'est posé la question d' "une maison qui serait accueillante et qui nous donnerait envie de venir" en mode cercle de parole.
Ce qui a émergé : une maison épurée (moins d'objets), claire, qui ait du charme, accueillante pour nous, qu'elle ait de l'oxygène. Derrière tout ça, il y avait des choses comme "on considère que la maison est sale", "il y a des objets de ma mère partout", "ils barrent la lumière", "on se sent pas chez nous".
Ma mère, après avoir entendu tout le monde, s'est un peu défendue.
Ça lui a pris un peu de temps pour accueillir, redescendre.
Et puis elle s'y est faite.
On est passé de pièce en pièce en l'accompagnant. On a remisé une bonne partie de ses objets à l'atelier, peintures, livres, babioles.
C'était dur pour elle. Des choix pas évidents à faire.
Mes frères et sœurs et leurs conjoints sont partis acheter des trucs chez Emmaüs et Ikea.
On a fait le ménage tous ensemble. On a installé les nouveaux achats.
Ça a été un succès : on est revenu la voir plus souvent. Sa demande a été satisfaite.
- La provocation et l'audace pour aller chercher la priorité et l'intention coeur : qu'est-ce que tu veux vraiment vraiment vraiment ?
- La facilitation.
- Faire appel à l'amour. C'était ma famille, donc il y avait de l'amour, pas au sein de moi mais à un endroit entre nous. Un endroit extérieur à moi et extérieur aux personnes.
- Tenir mon rôle, sur le moment j'étais d'abord facilitatrice, avant d'être la fille de ma mère.
- Que mes frères et soeurs et nos conjoint-es jouent le jeu. Que tout le monde soit partant. Volontariat de chacun-e.
- De la patience. Parfois il y a besoin de temps pour que les choses décantent. Le respect du rythme du projet. Le projet a un rythme et on ne peut pas aller plus vite.
- Pour que ça se passe encore mieux la prochaine fois :
-- Que ce soit ma mère qui invite ses enfants, et qui dise elle-même "c'est nourrissant pour moi de vous avoir dans ma vie, qu'est-ce que je peux faire pour vous retrouver plus souvent ?", qu'elle puisse elle-même prendre en charge ses besoins.
-- Souhait personnel : que dans chaque famille, on arrive à avoir assez de recul pour se dire qu'il existe des solutions gagnant-gagnant-gagnant et qu'on va la trouver ensemble.
Une résidence Idyllique ou presque
Dans le cadre d'une mission que j'ai repris, d'assistance à maîtrise d'usage. Une résidence neuve d'une soixantaine de logements construite à Villeurbanne. Un promoteur qui remporte un appel à projets et monte une équipe.
A Villeurbanne, la municipalité a envie de questionner l'implication des gens au delà de leur sphère privée et donc il a été décidé de construire un bâtiment et d'accompagner les futurs habitants à le prendre en main. C'est un milieu où il y a beaucoup d'acteurs qui ont tous leur petite partition à jouer. Le chef d'orchestre est le promoteur qui fait l'intermédiaire avec la banque et les autres, assez peu dans une posture de coopération.
On a été plusieurs à intervenir, chacun à notre tour, et je suis arrivé après une collègue. Contexte pas évident, pas de dynamique de coopération dans l'équipe projet. Se voir et se connaître est une des premières conditions à coopérer et là ça n'existait pas.
La mission comme je l'ai reprise était : Le bâtiment est livré et maintenant on va travailler avec les gens. Mais la coopération n'a pas été pensée avec l'architecte, les paysagistes, etc... Ce qui a fonctionné c'est qu'il y a vraiment eu une partie des habitants qui s'est impliqué dans le truc. 60 logements dont une vingtaine géré par un bailleur social, une vingtaine par des investisseurs, et une vingtaine pour y habiter.
A chaque réunion, les propriétaires occupants étaient là et ça a pas mal pris. Ils se sont rencontrés, et se connaître est devenu un aspect positif du projet (se retrouver, devenir amis).
La résidence dans sa globalité est géré de manière à ce qu'ils ont pu résoudre les problèmes de base , et ils sont allés plus loin à améliorer les espaces communs pour que tous puissent vivre un peu mieux (local vélo commun, cabane à outils commune). Une sorte de coopération entre eux avec un cercle cœur et des cercles thématiques. Et les gens sont assez contents. Ca prend soin d'eux et de leur cadre de vie.
A nuancer, parce qu'on a pas réussi à impliquer les locataires plus que ça.
Persévérance, volonté que ça fonctionne. Si j'avais fait juste ce pour quoi j'étais payé, on ne serait pas allé jusque là : dévouement. Bossé gratuit sur les 6 derniers mois.
Les outils qu'on utilise au quotidien : conditions à réunir pour qu'un groupe arrive à se mettre en mouvement.
Connaissance diffuse de l'habitat, des copropriétés et des enjeux autour. On n'a pas fait ce qui avait été prévu à l'origine, plein de choses qui se sont passées et on était dans l'ajustement permanent
- Le contexte : des gens qui étaient déjà dans cette dynamique là , s'impliquer pour faire des choses qui vont au delà de leur intérêt particulier. On a fait la même chose de la même manière dans d'autres endroits sans que ça fonctionne.
Quand c'est un petit noyau et pas une seule personne qui essaye d'avancer ça fonctionne mieux
- L'autre raison est que c'était assez simple : pas de grandes idées parachutées là dedans, pas de concepts hors sol qui auraient pu empêcher l'appropriation : Des salles partagées, des terrasses partagées, une chambre d'amis. Dans d'autres cas, c'était voulu par les collectivités, construits par les architectes, et l'AMU doit aider l'appropriation et dans ces cas là, les habitants ne s'en occupent pas et ça devient plus une charge.
- Un budget participatif mis en place qui a permis aux gens d'aller plus loin, de réfléchir à leur cadre de vie et des groupes de travail qui se sont montés.
- Qu'une communauté de projet se forme en amont avec toutes les parties prenantes, pas juste moi et les habitants. Souvent on laisse les acteurs bosser dans leur coin et on ne n'implique pas les habitants. Y a des architectes, des paysagistes, un bailleur social que j'ai jamais rencontrés.
- Ca aurait été cool d'être un peu plus ambitieux, d'aller un peu plus loin. Il faut penser : on fait le minimum, et si tout va bien, on se donne la possibilité de faire plus. Si on part tout de suite sur un truc complexe, c'est contreproductif. Réussir à penser comment le projet peut répondre aux besoins principaux.
- Ne pas bosser tout seul, j'étais seul sur les animations et à connaitre les gens et ce qu'on fait.