Elu-e-s, opposition, et pacte pour la transition
Pense à un moment que tu as vécu, où tu as su maintenir une posture de coopération malgré un contexte difficile, seul.e ou avec ton équipe , où cette expérience a été un succès de ton point de vue et t'as rendu.e confiant.e dans la force de la coopération. Comment c'était ? Raconte-nous....
- 2020 pendant les élections municipales. J’ai travaillé avec des personnes dans le pays de Gex pour pousser le pacte pour la transition. 32 mesures, des idées. En présence des listes qui se présentaient aux municipales. Le but : les engager sur des mesures pour engager la transition.
- Le pays de Gex c’est 28 communes. Donc faire un événement sur une après-midi pour sensibiliser à ces mesures, lancer des conversations pour savoir lesquelles ont le plus de sens à être déployées
- Invitation de personnes déjà élues, et d’autres qui se présentaient aux élections ; chaque camp présent : oppositions, citoyens, militants, différents bords. Les élus se « tenaient bien » car période électorale . Plein de sujets clivants aborder : parler aussi bien de l’énergie nucléaire, que de la mobilité, du cyclisme, de l’écologie…
- Vu que je suis facilitateur j’ai proposé un processus : faire des cercle samoan pour chaque thématique : 9 cercles. Chaque cercle étant nourri au début par des personnes ressources, des experts. Avec au milieu un cercle de 4 chaises de personnes qui discutent entre elles, et lançent les conversations. En laissant une chaise vide parmi les 4. Si une personne du deuxième cercle voulait participer à la conversation, elle venait s’installer sur la chaise vide, et une des 3 autres personnes devait partir pour toujours laisser une chaise vide. Il y a eu 3 cercles samoan en parallèle, puis à nouveau 3, puis à nouveau 3. Ces cercles étaient séparés par des affichages sur lesquels il y avait les mesures pour le pacte pour la transition. Comme ça les personnes présentes pouvaient mettre des post-its et des gommettes pour voter. C’était comme un espace d’exposition.
- Ça s’est pas mal passé. Personne n’a élevé la voix, les conversations ont été très sereines, même sur le nucléaire alors qu’il y avait des physicien, des pro et des anti nucléaire. Ils ont pu parler ensemble. C’était très satisfaisant.
Sans fausse modestie, quels sont les talents, compétences, qualités que tu as mis en jeu pour que ce succès soit possible ?
- Ma boite à outil de facilitation : connaître les outils, aimer les assembler, les reconstruire. Construire quelque chose qui fait sens en fonction du projet ; connaître la magie sous-jacente des outils.
- Anticiper, arriver à me projeter dans ce qui peut se passer : voir le déroulé et ce qui peut se passer, les écueils, les obstacles, ce qui peut partir en vrille -> construire un événement comme un tout, comme un parcours en me demandant qu'est-ce que les personnes vont vivre, quel va être leur état d’esprit, ce qui va les faire basculer dans la frustration.
- Ecoute et force de proposition, j’ai proposé ce truc là et on a construit ensemble, avec le collectif : comment on positionne tout, comment on affiche, on a créé et conçu collectivement l’espace ensemble
- Lâcher prise rapidement sur les résultats : il y a très peu de choses qui sont importantes pour moi ; je ne me dis pas qu’il faut absolument que ça réussisse. Pour moi, c’est de l’expérimentation, le plus important est d’apprendre plus que d’obtenir un résultat. Le partageable, le réutilisable plus que la validité à un instant t ; « cette capacité à en avoir rien à foutre »
- Réseau et audace : oser contacter plein de gens pour intervenir, réseau d’amis, de connaissances, à force de trainer dans des associations, des collectifs. J’ai fait appel à une personne qui travaille pour la gestion de l’eau à Genève, une personne qui s’occupe de l’énergie basse température sur le pays de Gex, une personne qui s’y connaît en logiciels libres, des physiciens. C’était intéressant.
Quels éléments essentiels (facteurs externes, apports) ont été soutenant pour toi et ton équipe dans cette aventure ?
- Confiance. Petit groupe qui me fait confiance et on se fait confiance sur faciliter, un événement assez gros avec des enjeux politiques. On s’est pas posé de question. Enthousiasme collectif.
- Liens et moyens. Les colibris avait accès à une salle sur deux jours une fois par an. Ils nous ont donné accès à la salle des fêtes pour une journée sans rien dépenser.
- Le cadre qu’on a créé. Si on avait fait juste une réunion publique, ça serait parti en vrille, ça n’aurait pas été assez efficace. Une personne aurait pu être énervée, une autre mobiliser la parole. Le cadre créé avec des espaces différents, c’était impossible que quelqu’un prenne le pouvoir sur l’événement, rien qu’avec les paravents, c’était très soutenant. Que les gens puissent changer d’espace si ça leur convenait pas. Ca a été fluide. Que les personnes soient en mode élection, avec une injonction à bien se tenir ; ça a permis de ne pas retourner à la bonne violence des élections municipales
- Transmission. Le travail de toutes les personnes qui facilitent depuis des milliers d’années, pour qu’on n’ait pas besoin de réinventer la roue 25 000 fois.
Si c'était à refaire, quels seraient tes 3 souhaits pour que ta posture de coopération soit encore plus forte et bénéfique pour le projet
- Qu’on ressorte avec des trucs plus concrets, que les gens s’engagent à travailler ensemble sur tel sujet en se disant « ça faut vraiment qu’on le fasse, et, qu’on soit élu ou pas, on le fait »
- Qu’on empêche les gens de sortir de la posture de coopération, qu’ils se disent « on a compris que la coopération c’était bien alors on va continuer maintenant »
- Un temps de restitution pour créer le collectif, on n’a pas eu vraiment un temps de plénière à la fin, pour l’étonnement collectif, « on a vécu, on a fait tout ça », un temps pour créer une sorte de résonance entre les apprentissages, conscientiser et appuyer. Ca aurait permis aux gens de se voir les uns les autres de se reconnaître, « on n’est pas dans la même liste mais tu peux apporter des choses, t’es pas con finalement »
- Qu’on arrête avec ces histoires d’élections municipales, ces listes. Qu’est-ce qu’on peut faire avec les personnes qui veulent agir pour le territoire, parce qu’il est temps qu’on s’y mette
Comment souhaites-tu signer ta contribution ? (Nom ? Prenom ? Structure ? Anonyme ?)
Yannick
Qui a permis que tu te retrouves ici ?
Héloïse