A 2 vitesses

Pense à un moment que tu as vécu, où tu as su maintenir une posture de coopération malgré un contexte difficile, seul.e ou avec ton équipe , où cette expérience a été un succès de ton point de vue et t'as rendu.e confiant.e dans la force de la coopération. Comment c'était ? Raconte-nous....

Cette histoire est très récente. J'ai été appelée au printemps dernier par un représentant d'organisations actives dans le social. Elles ont mutualisé des formations qui fonctionnent très bien et dont les effets dans les pratiques pro sont vraiment constatées.
Mon profil correspond, semble-t-il à leur projet commun qui demande passablement de coopération.  Tout le projet est écrit, cette 1ere démarche a pris près de 2 ans.
Afin de m'imprégner de ce milieu nouveau pour moi, je passe mon 1er mois à aller d'organisation en organisation pour comprendre les enjeux et les spécificités de chacun des partenaires.

Un fois le diagnostique fait, un groupe de travail est créé pour avancer sur projet consacré à l'hybridation de la formation. Ce groupe comprenant des responsables formation et DRH se réunit 1 fois par mois pendant 2 heures, les gens apprennent à se connaître. En parallèle, une réunion avec les directeur a lieu tous les mois. Le décalage entre les besoins apparus d'un côté et la vision de l'autre est flagrant. Il semble que le dialogue entre les parties au sein de chacune des entités est très réduit (en tous les cas sur ce projet). Ca m'interroge, mais je comprends assez vite qu'une partie de mon rôle va être d'assurer ce rôle de transmetteur d'information.
Le groupe de travail avance (très)vite. La montée en compétences sur le fonctionnement en coopération, le "faire ensemble" est sensible. Niveau Direction, un coup de frein clair est mis en décembre. La décision tombe, le projet ne concernera que l'organisme chargé des formations pour l'ensemble des organisations... Souhaitant informer le groupe de travail de ce tournant, je devrai attendre un mois pour envoyer un compte rendu validé et réaliser que ces personnes n'avaient pas été informées en interne.
Parallèlement, je suis sollicité sur un autre truc, qui réunit plusieurs personnes du groupe de travail. La déception est palpable.
Pour qu'un projet de coopération fonctionne, il faut de la diversité et là on a que 5 hommes de plus de 50 ans, blancs dans la direction. Le résultat est sans surprise, avec un effet de cohorte n'encourageant pas l'innovation.
Aujourd'hui je sais que le groupe projet continue à coopérer ensemble mais ce n'est pas formalisé.

Sans fausse modestie, quels sont les talents, compétences, qualités que tu as mis en jeu pour que ce succès soit possible ? D'y croire. Le groupe projet (12 personnes différentes) m'a dit que la manière que j'avais eu de les amener, mettre en action et leur faire confiance avait été fondatrice. Les espaces de rencontre leur ont permis de prendre conscience de ce qu'ils pouvaient faire ensemble. Nous avions mis en place des météos de début et de fin. Quand une personne se sentait perdue, des rdv permettaient de prendre le temps nécessaire en clairifications.
Initalement, les réunions du groupe projet devaient avoir un représentant par organisation. Finalement les RH et les formateurs venaient à chaque fois.
Ca a permis de développer un langage commun quand chacun repartait dans son entité.
Avoir un espace de capitalisation, des résultats tangibles, concrets.
L'humour : c'était détendu, on avançait, mais de manière joyeuse.
Avoir vieilli : Il y a quinze ans, je n'aurais jamais osé prendre un mandat pareil, je ne savais pas ou on allait. Les organisations étaient tellement différentes = complexité. Mais quoiqu'on fasse, j'étais convaincue que nous ne reviendrions pas à 0. Nous avons construit ce qui était possible en fonction du contexte.
Pour moi, on est venu me chercher sur les éléments de coopération et j'ai réussi mon mandat.
Deux fois ils m'ont dit : "C'est incroyable, ici quand on ne comprend pas ou qu'on est pas d'accord, on ose le dire. Il y a plein de milieux où c'est très compliqué.""
Quels éléments essentiels (facteurs externes, apports) ont été soutenant pour toi et ton équipe dans cette aventure ? Le fait que je sentais vraiment que la mayonnaise prenait.
Ils venaient tous malgré le fait qu'ils aient un boulot d'enfer. Le fait qu'ils souhaitent tous se connecter à quelque chose.
Qu'ils soient tous allés sur le wiki ou je capitalisais les choses.
Partager des outils au fur et à mesure, et quoiqu'il arrive, même si ça s'arrêtait demain, ils avaient un espace pour tout retrouver.
Je continue à garder la communauté active pour loguer ce qui continue d'être fait : si une personne fait un cahier des charges, etc... les outils de productions sont partagés et la communauté est informée à chaque fois.
Garder du lien (de l'information), éviter les silences trop longs, quand il y a des occasions à la marge, oser poser les questions aux uns et aux autres. Donner des prétextes, montrer que même si ce n'est pas officiel que c'est une unité de coopération, ça devient un réseau vivant.
Les gens savaient se rassurer et s'encourager mutuellement.
Si c'était à refaire, quels seraient tes 3 souhaits pour que ta posture de coopération soit encore plus forte et bénéfique pour le projet - Avoir des directions plus à bord, engagées, moins en juges, et plus en parties prenantes du groupe de travail
-Avoir des directions marquées par la diversité
-Qu'il y ait un dialogue inter organisations, que le travail en équipe soit une réalité dans chacune des organisations, qu'ils se tiennent au courant de ce qui se passe dans leurs équipes.
Qui a permis que tu te retrouves ici ? Appel de Yannick sur Linkedin