Aider des communes rurales fragiles à trouver des solutions à leurs besoins

Par Judith Aynès


Pourquoi nous souhaitons accompagner les communes rurales ? Parce que nous sommes intimement convaincus que ce sont celles qui en ont le plus besoin.

Poser le cadre pour ne pas faire de généralisation : non toutes les campagnes ne se sentent pas abandonnées, non tout le monde ne se sent pas délaissé

On entend souvent parler des campagnes abandonnées, de la baisse de moyens dédiés aux communes par l’État, des habitants qui se sentent délaissés. Ce sont les élus locaux, les gilets jaunes et des millions de personnes qui ne parlent pas.

Mais ce sentiment général est assez réducteur. Toutes les campagnes ne se sentent pas abandonnées. Si on se penche sur le sujet, on se rend compte que ce n’est pas le cas de toutes les campagnes.

- Il s’agit des campagnes rurales, agricoles et industrielles et des campagnes “vieillies”, les hyper rurales. Elles représentent 17,5% de la population française : 11,7 millions de français souffrant de la délocalisation et des pertes d’emploi, d’une attractivité résidentielle moindre, excentrée des pôles d’emploi urbains, d’une offre de service moins adaptée, et de revenus plus faibles.
- Les campagnes des villes, du littoral et des vallées urbanisées, qui représentent 16% de la population, s’en sortent finalement pas mal, portées par un dynamisme local tiré de leur localisation adaptée (la mer… et les métropoles).

typologies campagnes

Mais il s’agit bien d’une réalité.

- Les campagnes agricoles et industrielles du nord, est et centre ont été fragilisées davantage par les effets cumulatifs du déclin : baisse de la population et des emplois, vacance des logements, fermeture des services et commerces.
- Ce déclin combiné à une culture de l’individu exacerbée, des corps intermédiaires effacés et des échanges digitaux qui attisent l’intolérance aux opinions différentes ont amplifié ce sentiment global de repli sur soi des citoyens.

J’aimerais vous partager mon expérience et vous parler de ma ville de naissance : Bar-le-Duc. C’est une commune de 15 000 habitants dans la Meuse, qui fait partie de ces campagnes agricoles et industrielles.

Bar-le-Duc, un exemple de commune rurale fragile

Bar-le-Duc, surnommée “la Belle Endormie”, présente beaucoup d’atouts. Elle est classée “Ville d’Art et d’histoire”, est à 1h50 de Paris, est à flanc de forêts et bénéficie d’un engagement politique et associatif de ses habitants.

- Les maires et les conseillers municipaux ou des militants politiques s’engagent dans le cadre de leur mandat à faire fonctionner et dynamiser la commune. Une nouvelle salle de concert flambant neuve vient de voir le jour.
- Beaucoup d’associations animent la ville et agissent pour des causes qui leur tiennent à cœur : solidarité, culture, jeunesse, sport, environnement…
- Quelques citoyens participent à la vie de la commune, en soutien des élus, au travers de dispositifs de démocratie participative : conseils citoyens ou budget participatif…

Pourtant, chaque année, elle perd presque 1000 habitants, les boutiques ferment une à une. Il n’existe plus qu’un bar, l’ambiance générale est triste, les rues sont vides un samedi soir et les gens se plaignent de ne pas avoir assez d’activités ou de liens entre habitants. Elle est d’ailleurs non loin de la ville de Commercy, vivier des gilets jaunes engagés.

Je me suis alors interrogée : pourquoi, malgré l’engagement de certains, la ville ne bouge-t-elle pas ? Une de mes conclusions était que les cadres dans lesquels les habitants pouvaient s’investir ne permettaient pas l’engagement du plus grand nombre.

De mon expérience, nous avons aujourd’hui à notre disposition plusieurs moyens de contribuer au dynamisme de la ville :

- les conseils citoyens souvent grisonnants, avec toujours les mêmes personnes et où les échanges avec les élus sont souvent tendus et où les idées ne prennent pas vie
- le budget participatif où nous pouvons proposer nos idées, mais sans savoir si elles sont vraiment utiles pour les habitants
- les associations dans lesquelles nous sommes investis, mais dans un cadre limité à leur activité ou leur problématique

Et c’est un vrai problème plus global : les cadres qui facilitent l’engagement des citoyens ne sont plus adaptés à notre société

- Un maire sur deux en 2020° ne veut plus se représenter aux prochaines élections municipales pour plusieurs raisons : investissement en temps trop important, exigence des citoyens, manque de moyens financiers…
- Les partis politiques et les syndicats ont du mal à mobiliser et n’inspirent plus (ils font partie des 4 acteurs dans lesquels les Français ont le moins confiance avec les banques et les médias°°)
- Les adhésions aux associations sont constantes depuis plus de 30 ans°°° mais elles sont ralenties par différents freins : compliqué d’insérer un groupe formé depuis des années, représentation grisonnante avec toujours les mêmes personnes, posture des membres peu accessible…
- Les dispositifs de démocratie participative sont inégaux d’un territoire à l’autre et ne produisent pas les résultats escomptés en raison de plusieurs facteurs : manque de portage politique, rôles pas assez clairs, règles administratives trop rigides, dispositifs peu représentatifs, langage trop technique…°°°°

Partant de mon expérience et de recherches plus approfondies, l’idée m’est venue : comment pourrait-on dynamiser une ville comme Bar-le-Duc, mais aussi toutes les communes rurales qui souffrent des mêmes maux ? Et comment le faire dans le « bon » sens ?

J’ai trouvé une partie de ma réponse dans l’engagement citoyen

Je me suis beaucoup interrogée : comment redonner un nouveau souffle dans ces communes ? Lancer une nouvelle dynamique qui soigne ces territoires ? Une qui prendrait soin des gens et qui aurait du sens pour les habitants ?

C’est comme ça que j’ai imaginé Solucracy, avec Yannick, en lui donnant 2 missions :

- La première et c’est le point central de notre méthode, c’est de prendre soin des gens : aller les écouter, prendre le temps avec tous les habitants, pour leur donner à tous l’opportunité de s’exprimer et dire ce dont ils ont besoin et envie pour être mieux dans leur commune. C’est aussi les aider à trouver des solutions eux-mêmes à leurs propres besoins.
- La deuxième est de dynamiser le territoire, puisqu’on agit dans des communes qui ont besoin d’un regain d’énergie. Là, on cherche à amplifier les collaborations entre les acteurs de la commune et on accompagne des projets valorisants pour la commune.

Si vous connaissez des communes qui ont besoin d’être écoutées, faites passer le message. On aimerait bien les aider à trouver des solutions à leurs besoins !

°AMF-CEVIPOF/SciencesPo, 2018
°°Baromètre de la confiance politique, CEVIPOF, 2019
°°°Trente ans de vie associative - Une participation stable mais davantage féminine, Insee, 2016
°°°°Bilan des conseils citoyens - Commission nationale du débat public, 2018

La démocratie ne s’est jamais aussi bien portée !

Par Circé Debrix

(message à caractère provocateur et anti-paralysie)

Face aux nombreux pessimistes et critiques négativistes, j’ai envie de vous proposer un autre panorama de la situation française au sujet de la démocratie. Me penchant quelque peu sur les sujets de développement territorial et de démocratie participative et délibérative, et pour faire hurler les détracteurs, je suis très heureuse de vous annoncer que la démocratie est en pleine expansion :

- Grâce aux nombreuses recherches et peut-être depuis notamment les Gilets Jaunes, le nombre d’appels à projets autour des conventions citoyennes (type Convention Citoyenne pour le Climat ou Convention Citoyenne pour l’Occitanie), jurys citoyens, assemblées citoyennes, tiers-lieux citoyens, débats et conférences de citoyens se démultiplient fortement sur tout le territoire, et les demandes de formations de la part des élus sont croissantes.
- Les listes citoyennes municipales, départementales et régionales se constituent de plus en plus significativement.
- Le RIC (Référendum d’Initiative Citoyenne) et autres référendums, consultations, concertations, budgets participatifs, votations citoyennes se démultiplient et deviennent un vrai sujet au niveau local et national…

Ric en toutes matières

… bref, certes nous ne parlons pas que de l’ultra-court terme mais du court, du moyen et du long terme (la vie quoi !), et nous sommes justement à un moment particulièrement riche à ce sujet. Les outils et méthodologies démocratiques sont plus visibles et développés, s’intègrent à nos vies et amènent une vraie façon de s’organiser collectivement (et non pas seulement tous les 5 ans). Enfin, la démocratie se met en place ! Une autre, celle que l’on prend en main, notre responsabilité personnelle et collective.

On y arrive, ça évolue en « réappropriation de la politique au local, à échelle humaine », sans parler de tous les systèmes en auto-gestion et gouvernance cellulaire, sociocratie, holacratie…, plateformes numériques collaboratives, open source… qui n’ont jamais été aussi présents au sein des réseaux spécialisés, eux-mêmes de plus en plus nombreux !

Alors, le verre est à moitié plein, et pour avoir plaisir à le boire car on n’a qu’une vie, encourageons ces dynamiques pour que chacun.e ait envie et se sente légitime à donner son avis, à s'impliquer et à avoir confiance en nous.

Ce n’est que le début !

Documenter nos expériences : une aventure à part entière !

Par Yannick Laignel

À l'origine, notre besoin de documentation vient d'une envie de partage, de contribution.

Nous souhaitons apporter notre pierre à l'édifice de la connaissance, nous assurer que même si nous décidons d'arrêter demain, nos efforts n'auront pas été vains et que quelqu'un pourra reprendre le flambeau ou au moins bénéficier de ces expériences pour construire quelque chose de nouveau.

Documenter est un métier

Je ne sais pas si vous avez déjà vu de la documentation créée par des développeurs logiciels, mais on peut rarement l'imprimer tel quel et lui coller le nom de "manuel utilisateur" :-) On est généralement assez loin de la notice Ikéa.

Si l'intention est de partager notre expérience pour qu'elle soit utile à autrui (ou à notre futur nous :-) ), alors tout coucher sur papier, aligner des mots et des chiffres sur une page ne suffit pas.

Il est nécessaire de rendre cette expérience digeste, abordable, sans la noyer sous des tonnes d'informations. La véritable documentation utile, à l'ère de l'information, demande de faire preuve de pédagogie.

C'est actuellement notre gros défi, avec Judith. Comment s'assurer que l'on transforme les expériences des territoires qui déploient Solucracy sans perdre les infos importantes et sans ennuyer les lecteurs ? Comment s'assurer que l'information transmise est pertinente, ou facilement accessible, découvrable en fonction des besoins ?

Pour ça, nous avons décidé de faire appel à un(e) graphiste/web designer pour, on l'espère, pouvoir produire quelque chose de la même qualité que les fiches de l'Université du Nous.

Il s'agit de distiller, digérer l'expérience pour en tirer l'essentiel. Utiliser des mots simples mais efficaces pour transmettre.

Documenter est un effort constant

Souvent, les personnes qui sont dans l'action ne documentent pas. Parce qu'elles n'ont pas le temps ? Parce qu'elles estiment que leur expérience n'est pas digne d'intérêt ? Parce qu'elles ne savent pas comment ? Ou parce que la pensée même de s'asseoir quelques minutes pour expliquer ce qu'elles ont fait les ennuie à mourir ? :-)

Difficile à dire, mais sans documentation, une bonne partie de la mécanique Solucracy s'effondre.

Cet idéal qui veut que l'expérience locale puisse remonter au niveau global pour profiter à tous et enrichir le patrimoine informationnel commun repose sur une bonne documentation.

Et donc la question se pose : qu'est-ce qu'on fait si les gens déploient des projets Solucracy mais ne font jamais remonter les infos, l'expérience ?
Est-ce qu'il est possible de s'assurer que les expériences soient partagées ?

La réponse que l'on a trouvée pour l'instant, qui nous semble juste, est d'incorporer la documentation dans le processus d'accompagnement.

À la fin de chaque étape, nous demanderons à l'équipe projet locale de répondre à un questionnaire détaillé avant de passer à l'étape suivante.
Cela permettra au minimum de générer des articles de blog, et ensuite d'améliorer la méthode grâce à ce retour d'expérience.

Et donc cette mission s'ajoute à la mission globale de l'association : s'assurer que les projets Solucracy soient documentés correctement.

La question qui est venue ensuite a été : oui, mais comment faire pour que les gens s'engagent, au-delà de leurs intérêts, si on ne les accompagne pas ? S'ils se débrouillent sans nous ?

Et c'est là que la réponse que nous avons trouvée pour l'instant ne me convient pas vraiment : fournir les documents modèles pour chaque étape une fois que le questionnaire de l'étape précédente a été rempli.

Ça fonctionnera probablement, mais quelque part, ça force à "acheter" l'accompagnement et ça laisse un arrière-goût de compte premium qui me déplaît fortement et ne correspond pas à l'idée de constituer un vrai bien commun. Certes, l'expérience et la méthode sont en libre accès, mais c'est tellement plus simple avec des documents pré-créés, qu'on peut juste remplir et envoyer à l'imprimeur...
En faisant ça, est-ce qu'on ne passe pas à côté de l'objectif de rendre un projet Solucracy facilement déployable ?

Mais bon, voilà où on en est pour l'instant.

Qu'en pensez-vous ? Comment feriez-vous ?

On serait super contents de trouver une alternative juste :-) qui nous permette quand même de vendre des accompagnements pour qu'on ne meure pas de faim.

L’écoute, génératrice de sourires

Par Judith Aynès

Si nous devions ne donner qu’un indicateur de la réussite d’un projet Solucracy, ce serait le sourire sur les lèvres des gens.

Lorsque nous avons construit la méthode, nous avons pensé aux gens.
Que pensent-ils ? Que vivent-ils ? De quoi ont-ils besoin ? Comment les faire sourire ?

Lorsque nous accompagnons des communes, nous pensons d’abord aux gens.
Ces gens sont d’abord des hommes, des femmes et des enfants. Ils sont ensuite des habitants de la commune, et puis des élus, des experts, des artisans, des membres associatifs…

Arrêtons de penser pour les autres

De ces gens, beaucoup d’autres imaginent qu’ils savent ce dont ils ont besoin. Il a besoin d’être stimulé, elles ont besoin d’une activité pour ne pas s’ennuyer, il doit être si malheureux dans sa vie, il devrait… Beaucoup d’idées que nous nous créons pour faciliter notre raisonnement : c’est plus rapide, ça nous permet de ne pas nous remettre en question et ça rassure nos positions.

Le problème de cette habitude est qu’en jugeant ou interprétant trop vite, nous nous faisons une fausse idée de ce que pense l’autre.
Si on ne s’arrêtait qu’à ça, ça ne poserait pas vraiment de problème.
Le sujet ici, c’est qu’en général, nous ne nous arrêtons pas à seulement nous faire une idée. Cette idée, on la partage à d’autres, on la nourrit dans des échanges et des débats d’idées, on l’utilise dans son programme, on l’amende avec d’autres avis et on peut même en faire un combat politique.

Et ce qui est encore pire, c’est que dire “je sais ce qui est bon pour vous”, “je pense que tu devrais faire ça” ou tout simplement ignorer l’autre peut générer plusieurs vagues d’émotions négatives : se sentir rabaissé.e, être en colère, être aigri.e, se sentir mis.e de côté...

On s’est demandé avec Yannick comment nous pourrions éviter cette colère inutilement générée par des gens maladroits ou réducteurs d’idées.
Et si nous allions tout simplement leur demander ?
De quoi avez-vous besoin ?

Panneau personnalisé

Allons rencontrer les gens pour les écouter

Nous sous-estimons souvent le pouvoir de l’écoute. Toutes les hommes et les femmes de ce monde ont besoin d’être écouté.es.
Se savoir écouté.e, c’est savoir que nous sommes entendu.e.s, que nous sommes compris.e.s et que notre avis compte.

Une bonne qualité d’écoute permet avant tout de mieux comprendre l’autre.
Comprendre ses réactions, ses comportements et ses actions.
C’est un moyen de se concentrer pleinement sur l’autre un instant, de le questionner, d’être attentif à ce que l’autre ressent, sans jugement.

L’écoute est libératrice.
Elle permet de sentir que nous comptons, de lever les mauvaises émotions et états d’âme du moment, de transformer l’échange en un moment émancipateur.

Repensez aux derniers moments où on vous a vraiment et profondément écouté.e…
Ils sont souvent rares dans nos vies. Mais lorsque ça arrive, souvenez-vous du sentiment que ça vous a procuré et de la qualité de l’échange produite.

Utiliser l’écoute comme fondement de Solucracy

Penser aux gens et prendre soin d’eux passe par une sacrée dose d’écoute. C’est ce que nous essayons de faire humblement à chacune de nos collaborations.
Et ce n’est pas toujours évident.

Tout le monde ne connaît pas ses besoins, ou a tout du moins des difficultés à les exprimer.
Il est alors essentiel de savoir poser les bonnes questions et de savoir écouter les réponses.

Nous cherchons systématiquement à connaître les besoins des personnes avec qui nous travaillons : les élus, les citoyens, les membres de l’association.
Nos premières rencontres commencent toujours avec quelques questions :
- Quels sont tes besoins et tes motivations ?
- Qu’est-ce qui t’intéresse dans ce projet ?
- Comment aimerais-tu contribuer ?

Nous les demandons ensuite aux habitants des communes que nous accompagnons en nous appuyant sur une méthode inspirée de la psychologie positive — la démarche appréciative — qui demande les besoins des habitants en mettant d’abord les forces du territoire en lumière :
- Qu’est-ce qui vous plaît dans l’endroit où vous vivez actuellement ?
- À quelles activités aimez-vous participer ?
- Quelles activités supplémentaires souhaiteriez-vous ?
- Que souhaiteriez-vous avoir de plus pour améliorer la qualité de vie ?

Être créatif pour prendre soin des gens, les écouter, les questionner, prendre du recul lorsque nous échangeons avec un proche, pratiquer l’écoute profonde… ce sont des choses que nous pourrions tous faire un peu plus.
Si nous cultivions tous l’écoute, nous pourrions créer une société avec plus de sourires !

Image ["DSC01029"](https://www.flickr.com/photos/36163014@N00/415227296) par [someones.life](https://www.flickr.com/photos/36163014@N00), sous licence [CC BY-NC-SA 2.0](https://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/2.0/?ref=ccsearch&atype=rich).

La résolution de conflits dans un groupe d'humains

Par Yannick Laignel

Introduction

À partir du moment où un groupe d’humains doit travailler ensemble pour atteindre un objectif, la question des modalités de coopération se pose. Je ne vais pas discuter ici des modèles de gouvernance, mais plutôt du cas particulier (mais non moins fréquent) où un conflit survient.

Suite à diverses expériences dans des groupes auxquels j’appartiens, il est apparu qu’un unique conflit, que ce soit entre deux ou plusieurs personnes, peut rapidement bloquer tout progrès dans ce groupe, voire même détruire sa structure et ruiner tous les efforts accomplis.

N’étant aucunement expert dans le domaine, j’ai lancé un appel à témoignages pour tenter de réunir plus de données sur ce genre de situations et voir si d’autres ont su surmonter ces obstacles, protéger les intérêts du groupe, limiter la perte d’énergie et peut-être même renforcer le groupe.

Le questionnaire

Si vous désirez recueillir plus de données, vous pouvez partager ce lien.

La version originale contenait la possibilité de laisser son adresse email pour obtenir ensuite un accès aux données, mais je l’ai retirée et ai supprimé les adresses après avoir notifié les personnes concernées.

L’idée était vraiment de lister un maximum de situations possibles pour voir s’il était possible d’en extraire des tendances ou, qui sait, une solution miracle :-) .

Les réponses

Merci à toutes les personnes qui ont contribué. Ça n’a l’air de rien comme ça, mais ça permettra à beaucoup de gens de mettre les choses en perspective et, qui sait, de surmonter plus facilement ces défis. Si vous désirez accéder aux données, vous pouvez les retrouver sur ce document (14.2kB)
À l’heure où j’écris ce texte, il y a eu 16 réponses au questionnaire :
- 7 concernent une association,
- 3 un groupe informel,
- 2 une entreprise,
- 1 pour une famille, un parti politique, un collectif, une institution publique.

Pour la taille des groupes :
- 6 concernent des groupes de moins de 10 personnes,
- 4 de 11 à 50 personnes,
- 1 pour 50 à 100 personnes,
- 5 des groupes de plus de 100 personnes.

Pour les modes de communication concernés, il ne ressort pas de tendance particulière, le virtuel et les conversations physiques semblent touchés de la même manière. Il faudrait à mon avis creuser un peu plus pour voir si les outils informatiques type chat et email sont plus souvent sources de malentendus, ou si les conversations physiques et le fait qu’on puisse rapidement dire des choses qu’on regrette sont en cause.

Pour 9 réponses, la source du conflit était le comportement d’une personne, pour 2, un conflit entre deux personnes, et pour d’autres un mélange de conflits, de règles/structures mal comprises ou définies, et de problèmes d’orientation et de stratégie.

Apparemment, une à deux personnes sont le plus souvent à l’origine du conflit, ce qui semble tout à fait normal. La manière dont le groupe va gérer cela définira ensuite si le conflit s’étend ou reste contenu.

Disclaimer

En rédigeant le paragraphe précédent, je me suis dit qu’il valait mieux préciser que je ne suis pas un professionnel de la facilitation ou un expert/coach en gouvernance. Je m’intéresse beaucoup à la psychologie personnelle ou sociale, et par mes activités, j’ai intérêt à comprendre comment faire fonctionner un groupe d’humains en harmonie, mais je n’en ai pas fait ma profession. Cet article n’a aucune valeur scientifique donc, comme pour tout, je vous encourage à vérifier si ce qui suit résonne avec votre expérience personnelle avant de l’intégrer ou de le partager ☺.

Conclusion

Voici mes théories issues de tout cela :

Comme pour une partie de Monopoly ou de ballon prisonnier, il est, d’après moi, nécessaire que tous les participants se mettent d’accord sur les règles du jeu avant de commencer. Le cadre est important et le consentement de chacun à respecter ce cadre est essentiel.

Bien que le groupe se doive de respecter l’individualisme de chacun, il est vital que les individus respectent le bien-être du groupe. Partir d’un socle commun de valeurs clairement définies permet à chacun d’avancer sans se demander si cela conviendra au groupe à chaque choix.

Une vision commune est également indispensable pour s’assurer que tout le monde est dans le bon bus.

Cela réduit les risques qu’une personne profite d’une structure floue, ou que des conflits émergent de non-dits ou de mécanismes laissés à l’interprétation.

Pour les cas particuliers : malentendus, problèmes de communication, personnes malhonnêtes :

1. Détection et prise de conscience : au moindre doute, au moindre signe de tension, il faut signaler la situation au groupe. Une émotion non exprimée peut vite s’envenimer.

2. Traitement des tensions :
  • Exclusion ? Trop radical, cela ne favorise pas la sécurité émotionnelle.
  • Faire appel à un médiateur extérieur : idéalement une personne neutre.

Je pense qu’il faut remonter aux besoins des personnes concernées (CNV) ou à leurs intérêts (négociation raisonnée) pour ramener à une posture d’écoute. Une fois entendu, l’individu est plus enclin à entendre les besoins du groupe.

Intégrer des pratiques régulières de communication et d’alignement des volontés est essentiel. Les cercles restauratifs semblent être un outil puissant pour remettre tout le monde à égalité.

Sources et liens utiles

- Vidéo explicative sur les mécanismes de résolution de conflits
- La négociation raisonnée
- La communication non violente
- Sociocratie
- Holacratie
- Les cercles restauratifs

La personne qui rencontre le problème n'est pas forcément celle qui a la solution

Par Yannick Laignel

> "Bonjour, j’ai un problème, je cherche quelque chose pour caler ma machine à laver.
>
> Caler votre machine à laver ?
>
> Oui, le sol chez moi n’est pas très droit, c’est un vieux bâtiment et quand je lance un programme, ça vibre dans tout l’immeuble, mes voisins se plaignent du bruit. Existe-t-il des cales en plastique dur que je peux utiliser ? J’ai essayé avec du carton mais il a fini par s’écraser. J’ai des morceaux de bois, mais c’est difficile de les couper dans le sens de la longueur pour atteindre exactement la bonne hauteur.
>
> Avez-vous essayé de régler les pieds ?
>
> Régler les pieds ?
>
> Oui, vous pouvez ajuster la hauteur des pieds de votre machine en les vissant et les dévissant comme vous voulez."

Cette petite conversation peut paraître toute bête, mais de nombreux professionnels dans divers domaines en ont de similaires chaque jour.
Dans ce cas précis, le client a un problème : sa machine à laver est bancale. Il a tenté de le résoudre de diverses manières, sans succès, et aurait probablement continué s’il n’avait eu à exposer son problème au vendeur.

Il nous arrive régulièrement d’avoir une idée, d’inventer la solution à notre problème et de tenter de la mettre en place.
S’il s’agit d’une application, on va réfléchir à une fonctionnalité qui nous permet d’accomplir quelque chose et harceler l’éditeur du logiciel pour qu’il l’implémente.
"Il me faut absolument un bouton rouge ici !"

Toutes nos conversations vont tendre à pousser notre solution.
Nous allons convaincre d’autres utilisateurs pour gagner du poids jusqu’à forcer l’éditeur à ajouter ce bouton.
Et lorsqu’il va se pencher sur la question, il va nous demander pourquoi nous avons besoin de ce bouton, essayer de comprendre ce qu’il faut faire pour satisfaire notre besoin et peut-être parvenir à la conclusion que le plus simple pour tout le monde est juste d’ajouter un bouton vert ailleurs, ou de rendre plus évident un bouton existant.

Solucracy part du principe qu’il est plus efficace de commencer par définir le problème, le besoin, le manque, et de comprendre les différentes manières dont il touche les gens.
Cela permet plusieurs choses :

- Clarifier le problème
  • Souvent, le simple fait de devoir expliquer notre problème à quelqu’un d’autre va nous forcer à en faire le tour, le simplifier et le transformer en quelque chose de plus compréhensible. Il n’est pas rare que la solution apparaisse d’elle-même à ce moment-là.

- Obtenir un point de vue différent
  • Ces différents problèmes peuvent générer une frustration, on a l’impression qu’on se heurte à un mur et on a beau chercher, on ne trouve pas de porte. Le fait de le poser au milieu pour que tout le monde puisse l’observer va permettre de savoir si d’autres l’ont déjà résolu avec succès, ou s’ils ont entendu parler d’une solution qui pourrait convenir. Il deviendra également plus visible pour les experts du domaine concerné.

- Savoir que l’on n’est pas tout seul
  • Vous n’êtes probablement pas seul à rencontrer ce problème. Peut-être que d’autres ont exactement le même, ou quelque chose de très similaire.
  • Si 50 ou 500 personnes sont touchées également, la mise en place d’une solution peut devenir plus abordable.
  • Si une ville entière est touchée, alors la construction d’un bâtiment, un arrêté municipal ou un événement dédié devient parfaitement réaliste.

- Multiplier les solutions possibles
  • La solution à laquelle vous pouvez arriver tout seul fait partie d’une multitude de solutions possibles, qui seront plus ou moins pertinentes.
  • L’intelligence, l’expérience, l’expertise et la créativité du groupe, une fois focalisées sur votre besoin, décuplent les chances de parvenir à un résultat satisfaisant.

- Obtenir de l’aide
  • Il arrive parfois qu’on ne soit tout simplement pas en position de résoudre notre problème, et le fait de le partager permettra d’obtenir de l’aide.

Identifier le problème et le décrire correctement est une étape très importante de la résolution.
Cela permet d’établir un cahier des charges précis, pour que d’autres — entreprises, particuliers, collectivités — puissent participer à l’élaboration d’une solution viable et satisfaisante.

Les élus ne sont pas nos ennemis

Par Yannick Laignel

Introduction

Pour être tout à fait honnête, lorsque j’ai commencé à travailler sur le projet Solucracy, mes sentiments envers les administrations des collectivités étaient plutôt négatifs.

Pour moi, l’administration française était rangée dans ma tête dans une unique valise, comprenant les hommes politiques véreux qu’on nous montre à la télé et dans les journaux à longueur de temps, les élus locaux et la totalité du service public.

Lorsque j’avais affaire au service public en tant qu’usager, je comparais toujours mon expérience à celle que j’aurais pu avoir au contact d’une entreprise privée, dont l’unique objectif est de faire du profit.

J’abordais le service public en tant que consommateur.

Le fait de travailler sur Solucracy m’a forcé à essayer de comprendre comment l’outil pourrait être utile aux administrations locales, quelles sont leurs problématiques et quels obstacles elles rencontrent.
J’ai eu l’opportunité de discuter avec les élus et employés de diverses communes, de plusieurs partis différents, d’assister à des réunions publiques, choses qui sont à la portée de n’importe quel citoyen, tout le temps mais que je n’avais jamais fait.

Mes excuses pour ça étaient relativement valides : j’ai un travail, je n’ai pas le temps, je paie des impôts donc je contribue déjà… etc…

Et petit à petit, j’ai pu développer une vision différente de la situation.

Comment je vois le métier d’élu de l’extérieur

Les personnes qui se présentent aux élections locales sont comme vous et moi avec un métier, une vie, une famille…
La seule différence est qu’à un moment de leur vie, elles ont décidé de s’impliquer dans la gestion de leur commune, territoire et tout simplement de filer un coup de main.

Je ne nie pas que certaines personnes font ce choix uniquement par intérêt personnel, pour faire passer leur terrain en zone constructible, stimuler leur ego ou influencer certaines décisions.
Mais c’est loin d’être le choix de carrière le plus adapté pour devenir riche rapidement (voir barème de rémunération des élus) et les contreparties sont assez rudes.

Beaucoup d’élus occupent leur poste à mi-temps, suivant la taille de la commune.

Et ce poste présente beaucoup de contraintes.
Imaginez par exemple que vous ayez une ville à gérer : vous devrez vous assurer que le budget est respecté, faire de continuels arbitrages pour savoir qui a droit à une subvention et qui n’y a pas droit, gérer les problèmes d’incivilité, le système scolaire, l’organisation de divers événements, trouver les fonds pour les projets d’urbanisme, naviguer les innombrables procédures administratives et légales imposées par le système, gérer une équipe d’employés en poste depuis plusieurs années alors que vous n’êtes là que pour 5 ans, et la liste continue…

Tout en collaborant avec l’opposition !
Des gens de divers partis qui vont remettre en question perpétuellement vos décisions, uniquement parce que la nature même du système dans lequel ils évoluent exige qu’ils ne soient pas d’accord avec vous…

On a tous croisé dans notre vie des personnes dont la principale occupation est de ne pas être d’accord, et on sait l’énergie qu’il faut dépenser pour parvenir à prendre une décision collective quand elles sont dans la pièce.

Mais là n’est pas forcément le pire. Le problème est que la population est contre vous !

Comment vous sentiriez-vous si, dans votre travail actuel, à chaque décision que vous prenez, chaque chose que vous faites, des centaines de personnes jugeaient cette décision, critiquant le moindre choix, vous expliquant pourquoi vous avez tort et que vous deviez vous justifier auprès d’elles, exposer la situation jusqu’à ce qu’elles se détendent ?

Je n’ai pas d’enfant mais j’ai souvent entendu des parents se plaindre que leurs pairs passent leur temps à leur expliquer comment élever leur enfant. Et ça n’a pas l’air d’être agréable.

La pression ne vient pas uniquement de la population mais aussi du département, de la région, de l’état, qui décident pour vous sans connaître le contexte, vous imposent des normes, des procédures que vous devez mettre en place sans forcément avoir la possibilité de négocier ou discuter.

Personnellement, je ne veux pas de ce travail, même si c’était mieux payé. Du moins pas tel qu’il est dans le système actuel, je préfère œuvrer gratuitement dans une association ponctuellement et échapper à toutes ces contraintes.

La participation citoyenne

Mais il semblerait que je ne sois pas le seul à penser ça.
Partout en France, des systèmes de gouvernance alternatifs se mettent en place, qui permettent de restaurer un lien de confiance entre les élus et les citoyens, et de refaire passer les usagers du service public de consommateurs à contributeurs.

Outre les initiatives comme les budgets participatifs à Metz ou à Paris, le municipalisme gagne du terrain.
Il n’est plus besoin de présenter l’exemple du village de Saillans, gouverné par ses habitants.

La mairie d’Archamps, commune la plus riche de France, a également incorporé la démocratie participative à son modèle de gouvernance en utilisant un système de Groupes Actions Projets permettant aux citoyens de travailler ensemble sur les problématiques qui les touchent.

Le collectif 36000 communes travaille également à constituer une base de connaissances destinée à accompagner les citoyens souhaitant créer une liste participative pour les élections de 2020.

De plus en plus, les élus comprennent que l’intelligence collective des citoyens de leur territoire leur permet d’accomplir plus, plus rapidement, en les intégrant à la réflexion une fois le besoin identifié.
Cela laisse de côté les réunions publiques frustrantes où l’on ne fait que présenter des projets déjà ficelés, décidés sans avoir demandé l’avis des personnes touchées, où la consultation se limite à “vous êtes d’accord ou pas ?”.
Les consultations publiques telles qu’elles sont pratiquées dans le secteur public actuellement vont à l’encontre de toutes les recommandations des professionnels de la conduite du changement et ne peuvent que conduire à l’échec.

Conclusion

Pour conclure, la gestion d’une ville ou d’un village est une activité difficile, qui nécessite un panel de compétences très varié, et nous en sommes tous responsables.
Le devoir de citoyen ne se limite pas à voter mais il consiste également à participer à l’évolution de sa communauté et à soutenir les personnes qui se sont portées volontaires pour accomplir cette tâche.

En tant que citoyen, attendez-vous à être de plus en plus sollicités ! :-)

L'économie de la contribution

Par Yannick Laignel

Il y a 2 semaines, du 8 au 10 octobre, une grande partie de l’équipe qui gravite autour de Solucracy a participé à une formation sur l’économie de la contribution avec Lionel Lourdin à Ideavox.

Cette formation nous a ouvert les yeux et permis, comme Lionel aime à le dire, d’élargir notre champ des possibles. N’étant absolument pas un expert dans le domaine, je vais tenter ici de restituer les éléments majeurs de cette formation mais je ne saurais que trop vous conseiller de garder un œil ouvert sur les supports qui vont bientôt être mis à disposition en open source.
MàJ : Voici le lien vers les documents de formation.

Les biens communs

L’économie de la contribution est basée sur un concept remis au goût du jour par Elinor Ostrom, lauréate du prix Nobel d’économie : les biens communs.
Le bien commun représente un patrimoine matériel ou immatériel de la communauté humaine (selon Wikipédia), qui est lui-même un commun :-)

Par exemple, l’eau potable de Grenoble est gérée comme un commun par une coopérative qui regroupe tous les usagers et intervenants.
En Italie également, le concept de bien commun est intégré dans la loi.

> EDIT 23-10-2018 : l’eau potable de Grenoble n’est pas gérée comme un commun mais par une société publique locale qui appartient à la métropole, avec un comité des usagers. Voici par contre un article plus complet sur l’assemblée des communs de Grenoble.

Les exemples ci-dessus sont basés sur des biens rivaux, dont la quantité est limitée, par opposition aux biens non rivaux, comme les œuvres intellectuelles ou la musique, qui peuvent être copiées et distribuées sans que personne n’y perde.

Nous allons donc nous intéresser aux biens non rivaux, principalement les biens communs numérisés, pour la suite.

La culture de l’open source

Nous avons tous entendu parler de logiciels open source.
Ces logiciels, soumis à des licences particulières, peuvent être utilisés, copiés, redistribués librement sous certaines conditions, généralement à condition de citer leur créateur et les personnes ayant participé à leur développement.

Ces logiciels sont des biens communs numérisés, gérés, améliorés, protégés par leurs usagers.
Il y a ainsi beaucoup d’exemples de logiciels open source qui sont développés et financés par des entreprises concurrentes.

L’idée est donc que, plutôt que de réinventer la roue, on va utiliser un socle commun pour construire différents services.
Par exemple, Solucracy a été uniquement construit grâce à des logiciels Open Source, donc 99,99999% du code a été écrit par une armée d’autres personnes, ce qui m’a permis de développer une grande partie du site tout seul.

L’industrie en général, se tourne également vers des modèles de co-innovation plutôt que de dépenser des fortunes en R&D.
Pourquoi ne pas laisser les universités, les usagers, les clients et même les concurrents participer à la résolution de leur problème ?

Si vous développez un logiciel destiné à améliorer le flux du trafic dans votre ville, pourquoi ne pas laisser les ingénieurs urbanistes du monde entier l’utiliser et participer à son évolution pour que vous puissiez obtenir un meilleur résultat ?

Mais le libre ne concerne pas uniquement le logiciel. La licence CERN OHL permet de rendre libre les plans, documentation et méthodes pour des inventions par exemple.

Oui mais comment je mange ?

La première question, et la deuxième, et la troisième ont été :
“C’est magnifique tout ça, mais il faut bien qu’on se nourrisse, qui va payer ?”

Il arrive souvent dans les domaines associatifs, militants, etc… constitués de passionnés, qu’on donne sans compter.
On offre ses ressources, parce que justement, c’est pour le bien commun. Ça doit être fait et je me sens bien en le faisant.

Jusqu’au moment où on n’a plus d’argent pour vivre et on se retrouve à exercer un métier qui ne nous plaît pas forcément pour obtenir les ressources nécessaires à la poursuite de notre passion.

C’est là que se trouve la clé de ce système :
En contribuant à ce bien commun, on développe une expertise, des connaissances, un savoir-faire qui peuvent être organisés en services aux usagers.

Par exemple, les windowfarms sont un exemple parfait du bénéfice d’utiliser la communauté pour améliorer une invention ou un design.
Britta Riley, son inventeuse, a partagé les plans avec la communauté. Aussitôt, des centaines de personnes de par le monde en ont construit une, ont fait leurs propres expériences, amélioré le design, etc…

De son côté, Britta peut maintenant faire des formations, des conférences, fabriquer des windowfarms et les vendre, juste en profitant du mécanisme des licences Open Source qui n’interdisent pas l’usage commercial.

Quel rapport avec Solucracy ?

Personnellement, cette formation m’a permis de dissoudre un gros paquet de tensions intérieures.
La vision pour Solucracy ne cadrait pas du tout avec le système actuel.
Pourquoi se protéger, empêcher les gens de s’approprier les idées et expériences mises sur le site alors que nous essayons tous d’accomplir la même chose ?

Il n’y a maintenant plus aucun obstacle, que ce soit au niveau des valeurs, ou des ressources, pour vivre de notre passion.
Attendez-vous donc à plein de bonnes surprises dans les semaines qui viennent !

Les gilets jaunes, une perte nette d'énergie ?

Par Yannick Laignel

Ou comment récupérer vilement le mouvement des gilets jaunes pour promouvoir Solucracy :-)

Le 17 novembre a eu lieu l’opération des gilets jaunes et elle continue probablement un peu aujourd’hui.

Des dizaines de milliers de citoyens ont fait don de leur temps — une journée entière, voire un week-end pour beaucoup — pour descendre dans la rue et exprimer un besoin qui, selon eux, n’était pas entendu ou écouté par le gouvernement.

Pour faire entendre ce besoin, ils ont bloqué les routes et empêché d’autres citoyens de vaquer à leurs occupations.

Pour faire entendre ce besoin, une personne est morte, plusieurs centaines ont été blessées, et les tensions entre le gouvernement et les citoyens sont encore plus fortes que jamais.

Le nombre de personnes exprimant ce besoin n’est pas clair. La définition du besoin lui-même n’est pas claire.

Les personnes dans la rue souhaitent-elles que le carburant soit moins cher ? Que leurs salaires soient plus hauts ? Que les transports en commun soient plus développés ? Gratuits ?

Par le passé, on a vu que lorsque ce genre d’incident arrive, ce sont les médias qui vont interpréter la situation et la retransmettre à leur manière.

Donc on a : plusieurs centaines de milliers d’heures, de litres de carburant, d’euros de dégât et de salaires de CRS qui ont été dépensés pour faire entendre un besoin qui ne sera probablement pas entendu correctement et oublié d’ici environ deux semaines, le temps que l’info soit noyée par un autre événement.




Pourquoi Solucracy ?

Imaginons maintenant que les personnes concernées, avant de descendre dans la rue, renseignent leurs besoins sur Solucracy.
Mettons par exemple que le problème soit : Les prix des carburants sont trop hauts.

Mettons que la première personne qui renseigne le problème signale que le besoin sous-jacent est :
J’ai besoin de faire 30 km par jour pour aller travailler et là, ça me revient trop cher.

Puis, tour à tour, chacun va voter pour le problème et expliquer quel est son besoin.
À terme, nous obtiendrons donc un problème avec 200 000 votes, leur répartition sur le sol français et les besoins clairement exprimés.
Par exemple, 40% des votants ne peuvent plus financer le trajet vers leur lieu de travail, tandis que 20% sont des entrepreneurs qui ne peuvent faire tourner leur entreprise.

Tout cela a coûté quelques minutes à chacun.
Vous avez un problème et des besoins clairement définis et, le plus important : personne ne peut nier ce besoin.
Il ne sera pas interprété par des journalistes. Il ne sera pas oublié après deux semaines. Il sera posé là et documenté.

Et parmi toutes les personnes qui sont descendues dans la rue, il y a forcément des ingénieurs, des économistes, des routiers, des experts dans tous les domaines.
Ces personnes peuvent donc également proposer des solutions et réfléchir à la meilleure manière de remplir ce besoin.

Certes, peut-être que la meilleure solution est de diminuer le coût du carburant ?
Quels sont les avantages ? Quels sont les inconvénients ? Est-ce que nous sommes bien sûrs que cela résout le problème pour tout le monde ?

Si ce n’est pas le cas, Solucracy permettra de le savoir, et de savoir pourquoi. Et de faire d’autres propositions.




Mais à quoi ça sert ?

Une fois que le problème est clairement défini, que les besoins sont clairement définis et que l’on a un processus pour proposer des solutions,
n’importe qui peut proposer des solutions.

Si le gouvernement choisit de faire la sourde oreille, peut-être qu’une association, une entreprise, un parti politique adverse va décider de mettre en œuvre les solutions proposées.
Peut-être que vous pourrez résoudre le problème avec vos voisins, pour votre quartier.

Est-ce que ça ne vaut pas la peine d’essayer ?
Est-ce qu’on a tant à perdre que ça à essayer des manières différentes de résoudre nos problèmes ?

Les besoins des acteurs de la transition

Par Yannick Laignel

Du 9 au 16 mars 2019 a eu lieu la biennale des villes en transition à Grenoble.

Cet événement a été l’occasion pour nombre d’acteurs de la transition de se réunir et de mettre en commun leurs efforts.
Le programme a été tellement riche que je ne vais même pas essayer de le détailler ici.
Vous n’aviez qu’à y être ! :-)

Par contre, en mode off, j’en ai profité pour tester si la méthode Solucracy pouvait s’appliquer à un contexte autre qu’un territoire, et ai donc posé ces quatre questions :

Au sein du mouvement de la transition :

1. Qu’est-ce qui vous plaît ?
2. À quelles activités aimez-vous participer ?
3. Quelles activités pourrait-il y avoir de plus ?
4. Qu’est-ce qu’il pourrait y avoir de plus pour améliorer la qualité de la vie ?

Concernant le public, j’ai posé les questions aux gens présents et disponibles, donc pas de procédure ultra sophistiquée pour sélectionner une démographie représentative (prends ça IFOP ! :-) ).
J’ai également lancé un petit questionnaire en ligne auquel cinq personnes ont répondu.

Au total, nous avons donc 28 réponses. Ça paraît peu, mais cela donne déjà des résultats très intéressants.

Les données brutes sont disponibles ici.

Qu’est-ce qui vous plaît dans ce mouvement ?

J’aime bien les nuages de mots pour représenter les résultats, donc voici un petit florilège qui parle de lui-même :-) :

nuage de mots

Et les autres questions…

Pour savoir comment représenter tout ça, j’ai tourné en rond un moment dans ma tête.

C’est plutôt une image qui apparaît en lisant les réponses, donc tout ce que je peux vous donner est une interprétation.
Je vous encourage vraiment à aller voir les données brutes :-)

En gros, ce mouvement est profondément humain.
Bien que beaucoup de personnes interrogées vivent avec peu de moyens, la question financière n’est ressortie que cinq fois, et uniquement comme moyen, pas comme une fin en soi.

Il existe un besoin pour plus de lien, plus de mise en commun, de mise en réseau.
Beaucoup sont conscients de l’énergie qui pourrait être économisée en mutualisant les outils, les efforts, etc.

Le fait de prendre soin de l’individu revient souvent également : un besoin d’accompagnement, de soutien psychologique, d’écoute, de rencontre.

Il semblerait qu’il faille encore plus de prise en compte du ressenti, de transition intérieure.

Voilà, je peine un peu à condenser la richesse des réponses et, en fait, je n’ai pas envie de vous donner une excuse de ne pas aller les lire :-)

Les besoins communs, la face cachée de l'intérêt général

Par Yannick Laignel

Voici un petit article pour explorer les biais cognitifs et les différents obstacles sur notre route vers une véritable définition de l’intérêt général.

1/ S’avouer qu’on ne sait pas.

En écrivant ce texte, me revient en mémoire le discours de Jacques Chirac en 2004, affirmant « avoir compris notre message ».

Il affirmait donc avoir compris le message que quelques millions d’électeurs lui faisaient passer.
Sans leur parler.
Par le biais d’un bulletin de vote, décision prise sur un choix binaire.

Le premier écueil est, pour moi, de croire que l’on a une vision claire et précise des besoins d’une population sur un territoire.

On peut penser que, parce qu’on est élu, on a su, par notre message, transcrire fidèlement les besoins des gens qui ont voté pour nous, et que c’est pour cette raison qu’ils nous ont élu. Parce qu’on saura prendre les bonnes décisions pour représenter leur intérêt.

Peut-être que la personne élue pratique son territoire depuis plusieurs années et a pu discuter longuement avec ses concitoyens de leurs besoins et préoccupations, développant ainsi une vision plus précise qu’un élu uniquement en contact avec son propre groupe social.

Les élu(e)s portent un programme, donc des réponses aux besoins qu’ils ont identifiés.
Si cette vision des besoins est inexacte, non basée sur la réalité, le programme, malgré toutes les bonnes intentions qu’on pourra y mettre, aura un impact limité.

Pire, on risque de confondre les besoins communs avec la situation économique globale ou les directives d’institutions déconnectées du territoire, portant non plus la volonté du peuple mais celle d’acteurs économiques.

Je crois fermement que la seule manière de connaître les besoins des autres est de leur demander.
Sinon, nous resterons comme des parents désemparés devant leur enfant qui pleure, sans savoir s’ils doivent le nourrir, le soigner ou changer sa couche.

Le besoin commun n'est pas uniquement celui de l'entité "collectivité", il est aussi en partie la somme des besoins personnels.




2/ Ne pas lésiner sur les moyens

À chaque déploiement d’un projet Solucracy, invariablement, quelqu’un pose ces questions :

- « Mais ça va prendre beaucoup de temps de passer chez chaque personne, non ? »
- « Il va falloir tout trier ? »
- « On ne peut pas prendre un échantillon représentatif plutôt ? »
- « Ou précatégoriser les questions ? »

Chaque être humain est différent.
Une personne âgée dans un quartier défavorisé n’aura pas les mêmes besoins qu’une autre dans un quartier bourgeois.

Il est impossible de choisir un échantillon qui représentera exactement les besoins communs.

Si nous voulons une véritable cartographie des besoins de la population, chaque personne doit avoir la possibilité de s’exprimer, ne serait-ce que pour dire qu’elle n’a besoin de rien.

Et pour ça, il faut prendre le temps de les écouter.
Créer cet espace.

Jusqu’à maintenant, pour se faciliter la tâche, nous avons tenté d’orienter les questions dans les sondages, de les fermer un peu pour faciliter leur traitement.
Nous avons privilégié certains canaux comme les applications web ou les réunions publiques pour économiser du temps et de l’argent.

Mais en faisant cela, des avis, des informations, des personnes ont été exclues du processus.

Les mécanismes mis en place pour économiser des ressources finissent par coûter beaucoup plus cher : nous prenons des décisions sur des informations incomplètes, et les citoyens non interrogés se sentent lésés, devenant des détracteurs au lieu de contributeurs.

C’est pourquoi, dans Solucracy, les questions doivent être ouvertes et tous les citoyens doivent avoir l’opportunité d’y répondre.

Si une étape de la méthodologie nécessite un effort particulier, c’est bien celle de la collecte des besoins.




3/ Donner toutes les chances de participer

Prenons l’exemple de la réunion publique.

Organiser une réunion publique pour faire participer les citoyens, c’est un peu comme faire de l’autostop au bord de l’autoroute.

Dans une économie en crise, les habitants jonglent entre leur emploi, leurs enfants et leurs préoccupations personnelles.

Organiser une réunion un mercredi soir de 18h à 20h, c’est espérer qu’ils trouvent une nourrice et qu’ils prennent le temps de venir à un événement qui ne sera peut-être même pas lié à leurs préoccupations.

Quand je fais du stop, je choisis un endroit où les automobilistes peuvent s’arrêter facilement, avec une trajectoire claire.

Pour recueillir les besoins, qui va définir le programme, attirer les acteurs économiques et permettre à la population de monter en compétence, il est essentiel de mettre toutes les chances de son côté.

Le dernier obstacle entre le citoyen et l’expression de ses besoins doit être le citoyen lui-même.
S’il décide de ne pas participer, c’est son choix.

Les seules techniques identifiées qui vont directement au contact sont le porte-à-porte et le micro-trottoir.
Quatre questions en cinq minutes. L’investissement est minime.

Il ne suffit pas d’ouvrir la porte de la mairie et d’attendre que les citoyens se ruent pour donner leur avis.
Les premiers à venir sont souvent les plus frustrés et les moins disponibles émotionnellement.

Nous avons appris la même leçon avec Solucracy : mettre un site en ligne ne suffit pas pour que les gens enregistrent leurs besoins.




Conclusion

La valeur d’une collecte exhaustive des besoins est inestimable si elle est ensuite partagée avec tous.

Tous les acteurs du territoire peuvent se l’approprier, y réfléchir, se situer et se coordonner pour y répondre.

Mettre à jour régulièrement la vision des besoins communs permet d’en déduire l’intérêt général.

D’une certaine manière, ces enquêtes existent déjà à des niveaux restreints : enquêtes d’urbanisme, études de marché, etc.

C’est ici une étude de marché à 360 degrés, une vision complète des ressources locales et des besoins de la population, sans a priori, qui accompagne la prise de décision, que l’on soit élu, chef d’entreprise ou simple citoyen investi dans la vie locale.

Le Salon des Maires

Par Judith Aynès,Circé Debrix, Yannick Laignel et les collectifs mentionnés

L'action

Du 19 au 21 novembre a eu lieu le salon des maires à Paris, porte de Versailles.

Après quelques recherches, nous nous sommes aperçus que, malgré la venue de plusieurs milliers d'élus pour échanger, aucun espace n'était dédié à l'engagement et la participation citoyenne, et ce, malgré un contexte social tendu.

Avec plusieurs collectifs centrés sur le développement de l'engagement citoyen (voir liste en bas de page), nous avons donc décidé de créer un pôle mobile Participation citoyenne au salon.

Nous avons édité un T-shirt portant la question :
"Les citoyens, une aide plutôt qu'un obstacle ?"
L'objectif était d'interpeller les élus et de créer une image de groupe.
Pendant trois jours, nous avons arpenté les allées du salon pour engager des conversations sur le rapport entre élus et citoyens.

La posture choisie était bienveillante, avec l'envie d'apprendre, d'échanger nos expériences et de présenter les différents outils existants, sans chercher à vendre nos solutions respectives.

Salon des maires




Les enseignements

Voici ce que nous avons appris de ces échanges :

Nous avons été agréablement surpris par l'accueil.
La majorité des élus étaient ouverts à ces conversations et prenaient plaisir à partager leurs expériences et leurs rapports avec les citoyens de leur commune.

Certains d'entre nous venaient avec des a priori négatifs envers les élus, partant du principe qu'ils ne faisaient pas les efforts nécessaires pour impliquer les citoyens dans les décisions collectives.

Mais peu à peu, nous avons compris qu'il ne s'agissait pas de mauvaise volonté, mais plutôt de peurs issues d'expériences négatives : des tentatives contre-productives, chronophages, lors de projets communs mal cadrés.




Les freins des élus

Quelques phrases marquantes :

- "Les gens se bougent quand ils ne sont pas contents, sinon ils ne viennent pas."
- "Les gens aiment donner leur avis mais ne s’engagent pas."




Un travail compliqué

Le travail des élus ruraux est difficile et mal rémunéré.
Beaucoup de maires rencontrés nous ont confié ne pas vouloir se représenter pour privilégier leur vie de famille, bien que leurs mandats aient été riches humainement et techniquement.

Un élu nous a même raconté avoir été appelé à 2h30 du matin par la gendarmerie, car un habitant avait trouvé un chien errant et ne savait pas quoi en faire.

Dans ce contexte, il est plus facile de comprendre que, si la prise de décision collective est perçue comme un calvaire, elle ne sera pas une priorité.
Les élus cherchent à se protéger du phénomène de "bureau des pleurs" qui peut apparaître lors des réunions publiques.

La question est donc :
Comment montrer aux élus que leurs démarches d'implication ont échoué parce qu'elles n'étaient pas assez cadrées, ni assez radicales ?




Qu'apporte la participation citoyenne quand c'est réussi ?

Nous avons aussi discuté avec des élus satisfaits de leur collaboration avec les citoyens, qui les ont impliqués fructueusement dans les projets.

Nous leur avons posé cette question :
Que diriez-vous à vos collègues pour les encourager à donner la possibilité aux habitants de participer ?

Leurs réponses :

- "Il y a une demande des citoyens à participer au-delà d'un simple avis. C'est le rôle du maire d'organiser l'animation du territoire et les conditions de débats sereins."
- "Cela peut faire revenir au vote des abstentionnistes et des votes blancs."
- "Cela permet d'impliquer les habitants et donc de réduire le budget ou d'améliorer ce qu'on fait déjà bien."
- "Cela permet des prises de conscience dans la population pour avoir ensemble le courage politique."
- "Ça améliore la relation avec les citoyens grâce à des décisions publiques mieux comprises."
- "Les bonnes idées et l'intérêt général n'ont pas de couleurs politiques."
- "Des mécanismes de participation locale relancent une culture commune face à la disparition des religions."
- "Il y a souvent besoin de médiation / accompagnement avec les nouveaux arrivants dans une ville."
- "Les gens se sentent concernés par des projets ou thématiques, moins par les processus démocratiques en général."
- "La lenteur des concertations démotive les gens, mais c'est important pour se projeter et avoir des objectifs collectifs à long terme."
- "Les enfants et les sujets transversaux sont de bonnes portes d'entrée pour relancer l'engagement."

Une conversation marquante a été celle avec un maire-adjoint d'une commune de Côte d'Ivoire.
Il nous a expliqué que la participation est intégrée dans leur culture, qu’il ne sert à rien de construire un projet sans les personnes concernées, et que si la population est contre, le projet est abandonné.

Il nous a parlé des conseils d’anciens, d’enfants, de femmes, d’étudiants, de commerçants qui participent aux décisions.

Il assistait au salon pour apprendre des élus français, sans imaginer qu’il était probablement celui qui avait le plus à enseigner en matière de participation.




En conclusion

Au fil des conversations, nous avons pris l’habitude de remercier les élus pour leur engagement et avons pris un grand plaisir à échanger avec eux.

Nous avons également créé des liens entre nos organisations au sein du collectif, imaginé de futures collaborations pour nous entraider dans notre mission commune : faire le lien entre élus et citoyens et aider les élus à mieux intégrer les habitants dans leur politique locale.

Expérience enrichissante à tous les niveaux !




Liste des collectifs ayant participé à cette action :

- Action Commune
- Citoyens pour le Renouvellement de la Démocratie
- Communecter
- Démocratie Ouverte
- La belle Démocratie - Archipel Osons les jours heureux
- Le Lab CECSY - Créateurs d'Ecosystèmes Construits en SYmbiose
- Solucracy
- Politiker

Une campagne électorale durable

Par Yannick Laignel

En mars 2020 auront lieu les prochaines élections municipales en France.

Dans chaque commune, plusieurs candidats vont se préparer, constituer une liste de citoyens engagés, écrire un programme et mener campagne.
Mener une campagne, c’est proposer une vision, porter des convictions, et mettre beaucoup de moyens pour atteindre le graal : l’élection.

Pendant ces quelques mois, les citoyens peuvent redevenir acteurs du futur de leur commune.
Ils ont l’opportunité de s’informer, de participer à des débats publics, des réunions d’information...

C’est à cette occasion que candidats et électeurs échangent, resserrent les liens et que des synergies peuvent se créer.
Les candidats portent leur vision et leurs idées pour transformer la ville. Les électeurs écoutent, ou non, et décident.
Mais beaucoup ne se retrouvent plus dans ces idées, souvent déconnectées de leur réalité.

Et si nous profitions des élections municipales de 2020 pour se reconnecter avec les électeurs, avec leur quotidien et leurs besoins ?




Nous souhaitons, par cet article, transmettre une idée, une piste de réflexion et lancer un appel pour réfléchir ensemble à une meilleure manière de mener les élections municipales.

Nous pensons qu’il serait pertinent de composer le programme des candidats à partir des besoins réels des habitants.
Ne plus imaginer ces besoins, mais les leur demander.

Et si on ajoutait les 4 questions de Solucracy aux actions de communication des listes candidates ?

Si, au lieu de faire uniquement descendre l'information vers les habitants, on profitait de cette occasion pour faire remonter leurs besoins ?

Si la campagne électorale permettait de contribuer au bien commun, en constituant une vision précise des besoins de la population et de ce qui leur plaît dans la collectivité ?

Conformément aux principes de Solucracy, les données collectées brutes seraient mises en ligne, accessibles à tous pour être analysées, interprétées, mises en forme...

La campagne elle-même pourrait ainsi élever le niveau du débat politique, en créant un socle de conversation basé sur les besoins réels de la population.




Cela soulève plusieurs questions :

- Les candidats de différents partis seraient-ils prêts à collaborer pour mener cette opération à bien ?
- Est-ce possible juridiquement ?
- Éthiquement, comment garantir qu’un parti ne modifie pas les résultats avant de les publier ?




La proposition de cet article est de réfléchir ensemble et de documenter une méthode permettant aux candidats de :

- Incorporer les 4 questions Solucracy à leurs documents de campagne,
- Récupérer les réponses, les numériser et les mettre en ligne,
- Communiquer les résultats aux citoyens.




Pensez-vous qu’il soit possible de "hacker" les élections pour que, quel que soit le résultat, nous fassions avancer la connaissance de l’intérêt commun ?

Si cette idée vous parle et que vous souhaitez réfléchir avec nous, n’hésitez pas à **nous contacter** !

L’objectif est de constituer une équipe pour "mâcher le travail" et créer une base de connaissances pour celles et ceux qui voudraient construire une campagne électorale durable.

Fabriquer de la diversité

Par Yannick Laignel

En octobre 2020, je suis allé présenter Solucracy aux participants du parcours **Coopérations Fertiles**.
Je vous laisse explorer ce parcours par vous-même, il est déjà très riche et l’équipe y a vécu des expériences intéressantes.

Je souhaitais simplement partager ici une expérience vécue lors d’un atelier de 2 heures, que j’ai animé l’après-midi, pour sensibiliser à la difficulté d’établir une stratégie d’animation de territoire.




Un mandat

Après s’être répartis en 5 groupes de 5 personnes, chaque groupe a réfléchi à comment répondre au mandat confié par Kouinpomé, un village fictif de 1200 habitants.

Leur mission :
En un an, réparer le tissu social du village et lui redonner du dynamisme.

Chaque groupe a eu 20 minutes pour élaborer une stratégie.

instructions
Image des instructions du mandat (image originale non reproduite ici)




Créer des habitants

Ils ont ensuite laissé de côté leurs stratégies pour participer à un exercice d’improvisation théâtrale.
Chacun s’est créé un personnage en déambulant dans l’espace, ajoutant peu à peu des traits de caractère, une histoire, une personnalité.

Les personnages ont commencé à interagir, créant un tissu social tout neuf, issu de leur imagination.

Quatre conversations en binôme d’1 minute ont approfondi encore cette dynamique.

habitants
Exercice de création d’habitants (image originale non reproduite ici)

> Note : Plusieurs participants ont mentionné que le nom "Kouinpomé" les avait poussés vers des caricatures. Personnellement, je n’ai pas trouvé. On a tous des caricatures dans nos villages, et certains personnages étaient vraiment réalistes 🙂.




Tester les stratégies

Avec cette population fictive créée, nous avons ensuite testé les stratégies proposées par les groupes.

> Petit point intéressant : j’ai dû rappeler les règles d’écoute, car les nouvelles "personnes" créées ne les respectaient pas toutes...

Après avoir tenté une présentation suivie d’un tour de parole (qui s’est avéré trop long),
nous avons présenté les 5 projets d’un coup.
Chaque habitant fictif a ensuite pu exprimer son projet préféré et expliquer son choix.

À ce moment-là, il y aurait eu matière à améliorer le processus.
Les porteurs de projet avaient du mal à sortir de leur personnage,
et inversement, les habitants fictifs avaient tendance à voter pour leur propre projet.




Bilan

Cet exercice a généré de nombreuses prises de conscience :

- On peut vite être hors sol en proposant quelque chose sur un territoire qu’on ne connaît pas.
- Il est nécessaire de multiplier les approches et les modes de communication pour toucher une partie plus large de la population.

À mon avis (pas très objectif 😄), améliorer cet exercice permettrait de tester et valider rapidement une stratégie de déploiement ou de communication sans faire porter les erreurs aux citoyens.
C’est une manière ludique de créer son propre focus group !

Les participants à cet atelier avaient des profils sociologiques relativement proches.
Le fait d’imaginer des personnages a permis d’apporter une diversité d’avis, de moyens, de ressources,
suffisante pour rendre l’évaluation plus critique.

À re-tester donc, mais c’est une piste très intéressante, autant pédagogiquement qu’en termes de construction collective.